L’archipel de l’information, en collaboration avec Thierry Ribault Publié dans « Allemagne-Japon, les deux titans » Manière de Voir, Mai 1991.
Le Japon est au premier rang dans l’industrie, l’électronique et désormais dans la finance. Pour s’imposer comme puissance économique globale et légitime, le Japon doit encore relever trois défis.
- Le premier d éfi est scientifique : apres avoir industrialisé avec génie les découvertes faites en Europe et aux Etats Unis, le Japon doit accroitre son effort dans le domaine de la recherche fondamentale.
- Le second est logiciel : le Japon domine les circuits intégrés et les composants mais il aborde seulement l’industrialisation du développement des progiciels.
- Le troisième est informationnel : l’ouverture à l’étranger de ses gisements de données.
Cette triple montée en puissance du Japon dans la division internationale du travail scientifique, dans l’industrie du logiciel et sur les marchés de l’information se heurte à de nombreux obstacles, en particulier éducatifs et linguistiques : pénurie de chercheurs, pénurie d’ingénieurs informaticiens, faible efficacité du système éducatif en matiere d’enseignement des langues étrangères. Si le Japon est tenté d’exporter sa langue, force est de constater que les initiatives dans ce domaine sont encore timides et limités les résultats. On comprend mieux l’intensité des efforts que le Japon déploie dans l’ingénierie linguistique et la traduction assistée par ordinateur.
Dans le domaine de la science, le Japon se propose de ré-équilibrer recherche à court et moyen terme (dans lequel il excelle) et recherche fondamentale, et de contribuer au progrés des connaissances de base. Cette réorientation concerne les universités et les centres de recherche publics mais surtout les entreprises, principaux acteurs de la R&D japonaise. La recherche de base ne représentait en 1989 que 6,7% de l’effort de R&D des entreprises (contre 5% en 1985). Il est vrai qu’à eux seuls, les budgets de R&D des 6 grandes entreprises du secteur électronique représentaient en 1989 six fois le budget du CNRS, 65 Milliards de F. Une entreprise comme Fujitsu consacre 13% de son chiffre d’affaires à la recherche. Dans cette montée en puissance scientifique, le Japon rencontre une pénurie de chercheurs : le nombre de chercheurs étrangers dans les laboratoires japonais a doublé depuis 1986 et atteint 90 000. Le Japon projette d’implanter en Europe et aux Etats Unis de nouveaux laboratoires outremer et de multiplier les cooperation avec les centres de recherche américains et européens.
Dans le domaine du logiciel, il s’agit de réduire la dépendance des constructeurs japonais de micro-ordinateurs vis à vis des éditeurs americains de progiciels et d’introduire, à cette occasion, dans le domaine du logiciel les méthodes qui ont assuré leur succés dans la fabrication de biens matériels. Alors que 60% des dépenses en logiciel des entreprises americaines et 40% pour les entreprises europeennes se portent vers des « progiciels », ces dépenses restent essentiellement orientées vers le développement d’application spécifiques (90 %) au Japon. Ces logiciels « sur mesure », réalisés par les départements informatiques des firmes ou sous traités à des sociétés de service, constituent une véritable « ponction”sur le budget des entreprises : leur developpement et leur maintenance mobilisent des centaines de milliers d’informaticiens. Le MITI estime que le Japon a besoin de 600 000 informaticiens supplémentaires. Cette situation devient critique au moment où les entreprises japonaises, après avoir informatisé les activités directement productives, abordent l’informatisation des bureaux . Les firmes japonaises d’electronique ont sans grande difficulté conquis leur marché interieur pour les micro-ordinateurs grand public mais ont du acquerir le systéme d’exploitation auprès de Microsoft : pour les ordinateurs de bureau, elles ont accompli la nipponisation des traitement de texte (en même temps qu’elles dominaient le marché des portables hors du Japon). Sur ce marché captif de plusieurs millions de postes de travail, la concurrence entre firmes japonaises s’annonce âpre. Les prix des progiciels, souvent d’origine americaine, n’ont pas suivi la même évolution que ceux des micro-ordinateurs eux mêmes, autour de 5000F. Ces progiciels sont généralement conçus pour le marché americain, puis adaptés aux autres marchés. Ces couts d’adaptation ne justifient pas toujours les écarts entre les prix pratiqués aux Etats Unis et au Japon, souvent superieurs de 50%. A travers l’industrialisation de la production de logiciels, les »usines de logiciel”(software factories), les sociétés de service informatique japonaises se préparent à reconquerir leur marché national, avant de passer à l’offensive sur les marchés étrangers. ( 1 )
Dans le domaine de l’information, le défi est d’une toute autre nature. L’industrie japonaise s’est bâtie en « captant”les connaissances produites dans le monde, en exerçant une surveillance attentive des marchés étrangers et des technologies pour saisir les opportunités. L’émoi suscité aux Etats-Unis par le « pillage”des technologies américaines a conduit les administrations Carter et Reagan et Bush à instaurer des restrictions dans la diffusion de l’information scientifique et technique d’origine américaine. Parallèlement, dans le cadre du GATT et dans le cadre des negociations commerciales directes entre les Etats Unis et le Japon, les americains exercent de fortes pressions sur le Japon pour qu’il ouvre l’accés à ses « gisements informationnels ».
Le tissu informationnel japonais
“En quelque lieu du monde que leur destinée les conduisit, tous les vénitiens, du plus humble au plus grand, modestes marchands comme un Marco Polo au XIII éme siecle, ou fiers patriciens comme un Marino Sanudo Torsello au début du XIV siècle, tous, commerçants ou gens de guerre, politiques, voyageurs ou écrivains, avaient un commun souci, qui n’est point sans beauté : recueillir des observations profitables sur les moeurs, la langue, le commerce, les routes des pays qu’ils visitaient, rassembler, en un mot, tout ce qui pouvait, par quelque moyen que ce fût, accroitre la prospérité et la gloire de Venise. » ( 2 )
« Amsterdam est une machine informationnelle complexe, le centre d’un réseau d’informations commerciales, bancaires, politiques, culturelles, qui couvre l’univers entier. Sa richesse, autre nom de sa puissance, consiste tout entier dans ce gisement vivant d’informations mondiales. ( 3 )
Les procédures de mobilisation de l’information
C’est en l’an 607 que fut envoyée, avec la premiere ambassade en Chine, la premiere mission d’information technique :”Avec une clairvoyance surprenante dans un pays émergeant à peine d’une protohistoire confuse, les dirigeants japonais désignent des observateurs jeunes et brillants pour accompagner les ambassadeurs et s’impregner du savoir chinois ». ( 4 )
Après une longue période de repli, c’est l’Europe qui mobilise la curiosité. Il faudra attendre cependant le XIX eme siecle pour que soient envoyées en Europe des missions scientifiques et industrielles. Le processus d’assimilation et d’imitation se développe alors à grande échelle et revêt un caractère systématique. « Les savants sont soigneusement sélectionnés en fonction de leur érudition ou de leur specialité ; le choix des pays est attêté avec la même minutie.Les Japonais ont résolu de n’emprunter que ce qu’il y a de meilleur dans chaque pays. ils vont en Angleterre pour étudier la navigation, en Allemagne pour apprendre l’art militaire et la médecine, en France pour s’initier à l’administration locale et au droit, aux Etats Unis pour se former aux methodes commerciales. Le monde n’est pour eux qu’une vaste école” ( 5 ) .
Ils vont à l’école du monde mais déterminent eux-mêmes le programme qu’ils veulent étudier et choisissent librement leurs maitres, prevoyant avec precision l’emploi qu’ils feront de leurs connaissances. Ce sont ces mêmes procédures d’optimisation des missions industrielles qui seront mises en oeuvre apres la deuxième guerre mondiale, mais cette fois, par les entreprises elles-mêmes. La préparation des missions devient tres technique car elles sont onéreuses et parce que les entreprises qui reçoivent sont de mieux en mieux organisées pour canaliser les visiteurs.
Les procédures mises au point pour les missions industrielles furent transposées au contexte des salons : si l’exploration des stands est discrète, elle n’en est pas moins organisée. Les ingénieurs se déplacent par groupes de trois ou quatre : ils reperent d’avance les stands et se répartissent les taches : documentation, recueil d’échantillon, observations des détails techniques, entretien avec un technico-commercial, photographie. L’exploitation des publications et la traduction des ouvrages de référence étrangers remontent au XVIIIème siècle : en 1720, l’interdiction est levée sur les importations de livres européens. Un dictionnaire neerlandais-japonais est rédigé et les premieres traductions de traités scientifiques commencent à circuler. Les acquisitions et le dépouillement des publications étrangères seront ensuite systématisées, portant sur toutes celles ayant un caractère informatif, qu’elles aient trait à l’économie, à la finance, à l’industrie, à l’urbanisme, à la cuisine, à la mode ou à l’architecture. Ces centres de documentation sont souvent les premiers abonnés aux nouvelles publications : selon le thème de la publication, les abonnements d’origine japonaise sont compris entre 10 et 200. De nombreuses revues techniques font même l’objet d’une édition japonaise. Tous les pays procèdent à l’échange d’étudiants et de stagiaires entre les entreprises, les universités et les administrations : dans le cas du Japon, la gestion des stages peut être tres sophistiquée. Sur les 150 000 étudiants japonais aux Etats-Unis, près du tiers sont salariés d’entreprises japonaises, dans lesquelles ils retourneront après leur stage. Entre temps, ils auront beaucoup appris, pris des contacts avec des partenaires potentiels de l’entreprise, évalué les règles du jeu local, financier, industriel et commercial. La procédure de « mobilisation de l’information »la plus controversée est celle du « démontage”des produits, qu’il s’agisse de biens de consomation ou de biens d’equipement : il s’agit de réinventer et de re-spécifier un produit à partir de ses fonctionnalités externes, de ses performances observées et mesurées. Cette méthode du « reverse engineering” permet d’économiser jusqu’à 90% des coûts de conception et de mise au point. Les exemples abondent dans la plupart des secteurs de l’industrie. Les premières memoires 16K produites dans le cadre du plan VLSI étaient des répliques d’une puce américaine. Toutes les machines américaines de production de composants à haute intégration ont maintenant leur contrepartie japonaise, parfois même plus fiables et moins chères. Ces pratiques se sont ensuite repandues dans le domaine des logiciels.
Les entreprises japonaises ont appris à tirer parti d’un système de protection des inventions. Il est vrai que les règles japonaises de propriété industrielle peuvent être pénalisantes pour les entreprises étrangéres : les demandes de brevets sont rendues publiques 18 mois après qu’elles aient été déposées et les brevets sont accordés au premier demandeur, qui n’est pas nécéssairement l’inventeur effectif. Enfin, il faut parfois cinq ans pour qu’une demande de brevet soit examinée. Cet écart de temps permet à des concurrents de se familiariser avec les technologies ainsi rendues publiques, « exposées” ainsi plusieurs années sans protection. Par ailleurs, une invention ou procédé qui sera couvert par un seul brevet en Europe ou aux Etats Unis est décomposé en plusieurs brevets au Japon : des brevets sont délivrés pour des variations mineures de technologies existantes. et le système japonais accepte également des brevets de seconde classe qui protègent la forme ou la présentation nouvelle d’un produit, plutôt que la création de nouvelles idées techniques. Ces procedures longues, complexes et coûteuses peuvent décourager les entreprises étrangères et les conduire à chercher des accords un partenaire local. Les amendements à la loi sur la propriété industrielle votés en 1987 n’ont que partiellement aligné le système japonais sur celui des autres pays ( 6 )
Un milliard de francs pour la veille technologique
Le Centre de Prospective et d’Evaluation évalue à 1,5% du chiffre d’affaires les dépenses strictes de de veille technologiques dans les entreprises japonaises : cet effort est considérable si on le rapporte aux budgets de R&D ( 3%) et la formation (4%). En fait, ces efforts sont inchiffrables dans la mesure où la veille technologique s’inscrit dans toutes les phases du travail quotidien. Depuis la guerre, Mitsui a envoyé un total de 700 cadres recevoir une formation complémentaire de plus d’un an à l’étranger. 250 ingénieurs de NEC pasent leur temps à parcourir les expositions internationales à l’année. Le Nomura Research Institute entretient une équipe de 270 ingénieurs avec des bureaux à New-York, Londres, Hong-Kong et Sao Paolo. Dans les budgets de l’Agence pour la Science et la Technologie (AST), 10 à 15% des budgets de R&D sont alloués a la « description de l’état de l’art aux Etats-Unis et en Europe », a des « missions d’étude sur la situation actuelle et à venir de la technologie”ou à des « antennes d’observation sur l’avance relative des Etats Unis”dans ou tel domaine. 10% sont alloués à la diffusion des les travaux de recherche ainsi qu’à l’information collectée à cette occasion. Le CPE évaluait en 1986 à un milliard de F les sommes affectées à la veille technologique pour l’ensemble des programmes soutenus par le gouvernement japonais ( 7 ).
Les institutions publiques mettent « l’information en mouvement”
Avec la Japan External Trade Organization (JETRO), le MITI déploie un réseau mondial de 4000 agents qui conduisent de nombreuses études industrielles et commerciales sur tous les grands marchés mondiaux. La spécificité de ces études est d’être redondante et bon marché : leurs résultats permettent de recouper ou d’actualiser la masse des informations obtenues par d’autres voies. Le Japan Information Center for Science and Technology collecte dans 50 pays les revues scientifiques et techniques, les rapports techniques, les actes de congrés et les compte rendus de conférences. Le JICST traite annuellement depuis 1965 14,000 revues scientifiques (dont plus de la moitié sont étrangères), 15,000 rapports techniques, 50,000 brevets : ce fonds documentaire atteint 20 millions de notices et s’accroit d’un million par an. 2,500 rédacteurs et traducteurs, salariés ou sous contrat, ainsi que 160 scientifiques sont mobilisés pour juger de l’intérêt de l’information et l’indexer en conséquence. Le budget du JICST était en 1988 de l’ordre de 12 milliards de yens, dont 60 % financés par le gouvernement.
Le « tissu”d’echanges informationnels inter-firmes
« Un élément du systeme n’a de valeur que s’il est susceptible de s’insérer dans ce maelstrom de flux d’information : marchandise, capital, lettre de change, monnaie de papier, experience maritime, technique industrielle, relation d’affaire, relais d’influence politique. Une information n’est pas une chose : elle n’existe qu’à condition de circuler ». ( 8 )
L’intensité des échanges directs entre firmes est sans doute le trait marquant du dispositif informationnel japonais. En ce sens, la structure intégrée et la diversité des liens organiques entre entreprises à travers les conglomérats, les clubs, les associations professionnelles, les fédérations d’entreprises associées autour d’un projet, constituent des vecteurs de circulation mais aussi de synthése des informations collectées par chacun des acteurs. “La coordination est assurée par un ensemble de règles plus ou moins contraignantes. Certaines sont mêmes tacites et informelles : elles émergent d’une longue histoire d’échanges d’information, de relation financières et de collaboration, aboutissant à la reconnaissance d’une dépendance mutuelle ». ( 9 ) Dans un certain nombre de secteurs les industriels japonais s’associent pour conduire des projets de recherche en commun : les travaux effectués en commun mènent ainsi à des produits similaires. A l’inverse, quand les entreprises ont décidé de mutualiser les risques, chaque partenaire explore une voie aussi à fond qu’il le peut : celui qui aboutit s’engage à partager ses travaux avec les les autres membres du groupe.
Des « clubs”ou « associations de fournisseurs”sont aussi mises en place par les grandes sociétés, notamment dans l’automobile et l’électronique grand public : les fournisseurs et sous traitants sont reunies une à deux fois par an ou en sous groupe une fois par mois autour de thémes. Une fois par an chaque entreprise membre du club est amenée à présenter son bilan de l’année, les innovations mises en place, les obstacles rencontrés et les solutions retenues. Les grands fournisseurs ont leur propre « clubs », regroupant leurs propres sous-traitants et auxquels ils répercutent les informations ou les orientations obtenues à l’échelon supérieur.
La circulation des hommes entre firmes permet d’accélérer les échanges d’informations : ainsi, des cadres déjà formés peuvent être « prêtés” par la maison-mère à sa filiale, par le donneur d’ordre aux entreprises sous-traitantes ; inversement, des employés peuvent être formés chez les donneurs d’ordres.
Les sociétés de commerce japonaises, les fameuses sogo shoshas, avec un chiffre d’affaires allant de 480 milliards de F pour Nissho Iwai à 815 milliards de F pour Mitsui and Co : elles détiennent des participations dans plus de 4000 sociétés qui peuvent aller du contrôle total (filiale à 100%) à la simple carte de visite (moins de 1%). Elles sont organisées et fonctionnent comme des « capteurs », identifiant des opportunités commerciales qu’elles répercutent auprés de leurs filiales et de leurs clients. A travers leurs réseaux de télécommunication privées ou par satellites, les sogoshohas emettent chaque jour 50 000 telex ( 10 ). Des mécanismes formels et informels se conjuguent pour permettre une exploitation efficace des renseignements : les filiales adressent des rapports hebdomadaires aux dirigeants régionaux : le travail de contrôle de la cohérence des initiatives des filiales est effectué par une unité rattachée au siège central.
Ces mécanismes formels de coordination, organisés verticalement, sont doublés par ce que certains appellent les « hiérarchies parallèles » ( 11 ) , contacts informels entre des personnes de même âge et de même statut. La rediffusion de cette masse d’informations exclusives sur les nouveaux marchés, les projets des concurrents, les caractéristiques des produits et des matériaux firmes en direction des firmes clientes et des filiales se fait de manière sélective.
L’ouverture des gisements informationnels
Le Japon collecte et traite beaucoup d’informations mais en « émet”trés peu vers le reste du monde : il « absorbe”mais ne « rayonne” pas.
Si le Japon « capte », comme Venise ou Amsterdam en leur temps, ce qui se fait et s’invente dans le monde, il ne sait restituer au monde les connaissances « captées”qu’incorporées aux produits qu’il fabrique et distribue. ( 12 )
Débordés par l’aggressivité commerciale et au dynamisme technologique japonais, les Etats Unis prennent la mesure des effets pervers d’une « libre circulation des flux d’information », quand celle ci s’exerce à sens unique et à leurs dépens.
A défaut de pouvoir remettre en cause les principes autour desquels ils ont bati leur puissance et leur rayonnement, les Etats Unis exercent des pressions sur le Japon pour qu’il relâche son « protectionnisme informationnel ».
Le Japon s’est contenté, dans un premier temps, d’aménager l’accés des étrangers à certaines bases de données scientifiques et techniques, jusqu’alors strictement reservées aux industriels japonais.
Une cinquantaine d’organisations ont désormais accés à travers le monde aux bases de données du JICST. Il a entrepris de traduire en anglais un certain nombre de bases de données, de résumer en anglais les articles scientifiques parus en japonais et de recenser les rapports techniques non publiés mais non confidentiels (« la littérature grise »). Ainsi la version anglaise de la base de données du JICST contenait en 1988 690,000 références dans les domaines de la chimie, de l’ingéniérie, de la physique, de l’environnement et de la médecine.
Entre temps, le JICST avait rejoint le réseau international d’information scientifique et technique, STN International ( 13 ).
La Japan Patent Information Organization édite depuis 1985 une version anglaise d’un « abstract journal”sur les brevets japonais couvrant 75% des demandes de brevets déposées auprès de l’Office japonais. Cette base de données est accessible via un serveur américain Orbit.Les accords conclus en 1989 entre la National Center for Science Information Systems (NACSIS) et la National Scientific Fondation (NSF) mettent à la disposition des chercheurs américains des bases de données sur les rapports de recherche, les travaux de doctorats, les communications dans les colloques scientifiques. Les catalogues de périodiques scientifiques japonais sont désormais accessibles dans les bibliothéques américaines et britanniques.
En matière d’information économique, l’effort du JETRO n’est pas négligeable : ses bases de données sur les importateurs japonais et sur les marchés nationaux sont accessibles de l’étranger. Surtout, le JETRO multiplie les bureaux régionaux (actuellement au nombre de 78), mettant à la disposition des entreprises qui souhaitent exporter vers le Japon les bases de données sur les entreprises japonaises.
Enfin, le MITI encourage les producteurs japonais de bases de données à confier leur exploitation à des diffuseurs europeens et americains. D’après la Japanese Database Industry Association, on comptait 172 bases de données japonaises accessibles à l’étranger en juillet 1990, contre 28 en 1987 ( 14 ). Parmi ces bases en viron 50 % sont économiques et financières, et 20% sont scientifiques et techniques.
Une industrie de l’information ?
Le MITI annonce régulierement des programmes et des plans à long terme visant à inscrire le Japon sur le marché mondial de l’information.
En 1981, le gouvernement publia un rapport prospectif sur « l’industrie de l’Information dans les années 80” qui aboutit en 1984 à la création d’un Centre de Promotion des bases de données (Database Promotion Center).
En 1987 était constitué un fonds de soutien alimenté par une taxe sur les courses cyclistes et nautiques (trés populaires au Japon) et destiné à financer la création de nouvelles bases de données.
La même année étaient adoptées des procédures de mise à disposition des données d’origine publique pour favoriser leur commercialisation par le secteur privé. La Confédération des Industries Electroniques prévoit qu’en l’an 2000 l’industrie des bases de données japonaise génèrera un chiffre d’affaires de 48 milliards de F.
Le Japon envisage-t-il sérieusement de remodeler son dispositif d’information, largement basé sur des mécanismes informels et non-marchands, cohérent avec son organisation économique ?
S’inspirant du modèle américain, avec son « marché” et son « industrie de l’information », basé sur un strict partage des tâches entre un secteur public producteur de données de base, et un secteur marchand actif dans la fourniture de services d’information professionnels, le Japon s’engagerait alors dans l’exportation de ses ressources informationnelles.
Notes :
[1] William Totten , Logiciel : la fin de l’empire américain, Gérer et comprendre, Annales des Mines, 22, mars 1991, Paris
[2] Charles Diehl, La République de Venise, Flammarion, Paris, 1985.
[3] François Fourquet, Richesse et Puissance, La découverte, Paris, 1989.
[4] Edwin Reischauer, Histoire du japon, Le Seuil, Paris, 1973.
[5] Idem
[6] . Voir dossier « brevets et marques dans la guerre commerciale », Le Monde Diplomatique, avril 1988.
[7] Bulletin du Centre de prospective et d’évaluation, n° 29, juillet aout 1986
[8] Fourquet, déja cité
[9] Jacquemin A., « Selection et pouvoir dans lans la nouvelle économie industrielle », 1985, Economica-Cabay
[10] M.Y. Yoshino et Thomas B. Lifson, The invisible link, MIT Press, 1986
[11] Thomas Lifson, « What do japanese corporate customers want ? », Cambridge, Harvard University Program on US-Japan relations, 1984.
[12] Les connaissances que Venise ou Amsterdam « captaient” étaient converties en « biens” mais aussi en « puissance de rayonnement » : académies, bibliothéques, imprimeries, attirant étudiants et savants de l’Europe entière.
[13] STN International est un consortium international d’IST reliant les bases de données du JICST, de Chemical Abstract Service aux Etats-Unis, et FIZ Karlsrhue en Allemagne grâce à un réseau de télécommunication dédié et à un logiciel commun.
[14] 50% de ces bases sont accessibles en japonais, 25% en anglais, et 25% sont bilingues.