Les données que le Rapport Olivennes n’a pas pris la peine d’examiner …

Rapport Olivennes : indigeste et indigent

Le Rapport Olivennes ne consacre que 3939 signes (3,6% du total) à la mesure des pratiques de téléchargement et de partage sur les réseaux pair à pair.

« En France, la proportion des internautes pratiquant le téléchargement (musique, films, jeux vidéo et logiciels) est sans commune mesure avec celle recourant à un téléchargement de fichiers légaux, part au demeurant plus faible que celle constatée dans la plupart des autrespays, surtout dans le domaine de la musique.

De fait, les produits culturels numérisables sont omniprésents sur le réseau internet et accessibles sous différentes formes.

La dématérialisation des supports, associée à l’apparition du haut débit – et, bientôt, l’arrivée de la fibre optique, technologie offrant des débits symétriques et plus élevés, facilitant considérablement le téléchargement de fichiers denses, notamment vidéo – a bouleversé l’accès aux contenus culturels et multiplié les moyens et modalités de piratage.

Plus particulièrement, l’échange de fichiers par des logiciels de pair-à-pair a pris, à partir de 2002, une ampleur considérable. On considérait en 2003 à plus de 150 milliards le nombre de fichiers musicaux ( 1 ) échangés dans le monde via ces logiciels.

Une étude par protocoles avait été menée par la société CacheLogic ( 2 ) : publiée en 2004 et mise à jour en 2005 (hors données françaises), elle faisait apparaître que le trafic P2P représente 60 % du trafic.

D’après l’OCDE ( 3 ), les utilisateurs simultanément actifs de ces réseaux dans le monde étaient près de 10 millions en avril 2004.

Les données recensées par Big Champagne confirment ces ordres de grandeur ( 4 ) : le cap des 10 millions a été franchi en 2005. En outre, de la musique, le phénomène s’est étendu aux films et aux programmes de télévision, notamment les séries. « 


Trois chiffres, en tout et pour tout, datés de surcroît.

C’est maigre.

- Un chiffre de 2003 : 150 milliards de fichiers musicaux. Source Idate
- Un chiffre de 2004 : 10 millions d’utilisateurs simultanés. Source Cacchelogic
- Un chiffre de 2005 : 10 millions d’utilisateurs simultanés. Source Big Champagne

Ces trois chiffres portent sur l’utilisation des réseaux P2P à l’échelle mondiale.

Le rapport ne cite aucun chiffre sur l’utilisation des réseaux P2P en France.

Il s’appuie, cependant, semble-t-il, sur les résultats d’une étude IDATE-Médiamétrie réalisée en 2006. ( 5 )

On peut se demander pourquoi la Commission Olivennes n’a pas jugé utile d’évaluer l’ampleur des pratiques de téléchargement non-autorisées en France.

- Première hypothèse : elle a jugé qu’il était risqué d’attirer l’attention sur le caractère massif de ces pratiques : un internaute sur deux.

- Seconde hypothése : les membres de la Commission étaient tellement convaincus de l’ampleur et de la croissance de ces pratiques qu’ils n’ont même pas jugé utile de prendre connaissance des enquêtes consacrées aux pratiques de téléchargement en France. Il est vrai que ces enquêtes proposent des diagnostics contradictoires

- Troisième hypothèse : la publication de chiffres sur les pratiques de téléchargement a placé la Commission Olivennes devant un dilemme. Ou bien elle soulignait (comme le suggère l’etude Idate-Médiamétrie) la progression de ces pratiques, ce qui revenait à admettre que les campagnes de sensibilisation, l’intimidation judiciaire, les poursuites intentées par l’industrie du disque n’avaient pas produit les effets escomptés. Et cela augurait mal des effets que pourrait produire la “riposte graduée”.

Ou bien, elle soulignait que les pratiques de téléchargement connaissaient une régression, sous l’effet de ces poursuites et de ces campagnes de sensibilisation, comme le suggèrent d’autres enquêtes. Auquel cas, on pourrait se demander si cette Mission avait une quelconque utilité. Et s’il était vraiment indispensable de relancer un chantier législatif, mettre en place une nouvelle Autorité pour mettre en oeuvre la “riposte graduée”.

Les données que le Rapport Olivennes n’a pas pris la peine d’examiner.

1. L’industrie musicale annonce une décroissance des pratiques de téléchargement et d’échange sur les réseaux P2P en Europe

Selon le Digital Music Report 2007 publié par l’IFPI ( 6 ) , « les diverses actions légales à l’encontre des usagers comme des opérateurs produisent des effets » (« Surveys on levels of illegal file-sharing across different countries show that legal actions are having a clear effect »).

Plus de 10 000 actions en justice ont été intentées en 2006 par l’industrie du disque de 18 pays, contre le téléchargement illégal.

La part d’utilisateurs téléchargeant de façon illégale aurait baissé de 18% à 14% (selon Jupiter Research dans 6 pays européens : Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Espagne et Suède).

Y compris en France !!!

2. France : croissance ou décroissance selon les sources

- Selon l’IFPI (qui s’appuie sur une étude de Jupiter Research), le pourcentage d’internautes téléchargeant de manière illégale aurait baissé en 2006 de 24 à 14%.

- Selon l’enquête GfK/SVM (1 053 foyers interrogés en face à face), le nombre de personnes pratiquant le téléchargement non autorisé aurait baissé entre 2005 et 2006.

95 % des fichiers téléchargés le seraient de manière illégale, mais cela serait en forte baisse.

Ils ne seraient plus que 20 % – contre 26 % en 2005- à reconnaître avoir téléchargé des fichiers musicaux dans le mois précédent l’enquête, 19% des logiciels (contre 23 %) et 19% des films (contre 12%) : au total 14,6 fichiers en 2006, contre 14,6 fichiers en 2005.

5,2 % seulement déclarent avoir déjà visionné des programmes en VOD.

- Selon le Monitoring du téléchargement Idate- Médiamétrie//NetRating , plus d’un internaute sur deux pratique le téléchargement en France. Parmi les internautes qui téléchargent, 48% % ont utilisé au moins une application P2P entre mai et juin 2006, en progression par rapport à 2005 (38,3%).

JPEG - 30.7 ko
Monitoring du téléchargement Idate-Médiamétrie

La large diffusion du P2P explique que les fichiers téléchargés légalement ne représentent qu’environ 15 % des téléchargements en France, contre 20 % au Royaume-Uni et 25 % aux Etats-Unis.

3. Grande Bretagne : croissance des pratiques de téléchargement

Selon Entertainment Media Research, le nombre de personnes déclarant télécharger illégalement est ainsi passé de 36% à 43%

Apres un déclin en 2006, le téléchargement non autorisé a progressé en 2007. Avec 43% d’internautes déclarant qu’ils téléchargent en 2007, contre 36% en 2006 et 40% en 2005, ces pratiques atteignent un sommet. L’enquête suggère même que ces pratiques pourraient s’intensifier En 2005, 6% of des téléchargeurs déclaraient qu’ils vont télécharger plus souvent. Ils étaient 8% en 2006 et 17% en 2007.

La dissuasion judiciaire ne produit pas l’effet escompté : 42% des personnes interrogées invoquaient la peur des poursuites en 2005. Ils ne sont plus que 33% en 2006.

Près d’un interrogé sur cinq répond qu’il continuera de télécharger illégalement malgré la menace de poursuites.

L’étude souligne le rôle central que pourraient jouer les réseaux sociaux.

Un internaute sur deux a déclaré visiter les sites de réseaux sociaux afin d’y trouver de la musique (une proportion qui grimpe même jusqu’à 75% pour Myspace), et 30% qu’ils comptaient acheter ou télécharger la musique qu’ils avaient ainsi découvert.

46% des interrogés ont trouvé qu’il était plus facile d’acheter les morceaux directement à partir du site communautaire où ils les trouvaient.

4. Stabilisation de la population mondiale d’utilsateurs des réseaux P2P

En mai 2006, Big Champagne estimait à 9 millions les « P2Pistes » connectés. En mai 2007, Big Champagne estime leur nombre à 9.35 millions.

Eric Garland, Président de Big Champagne Online Media Management : « There have been years when we have seen double-digit percentage growth. Compared to that, the last 12 months have been rather flat. »

Cette stabilisation peut être due au risque de poursuites judiciaires. Elle résulte aussi d’une saturation du « marché ». Eric Garland, Président de Big Champagne Online Media Management : « It’s like e-mail. For a number of years, the population using e-mail was increasing dramatically. Once everyone who wanted e-mail had e-mail, growth flattened out. »

5. P2P : Déplacement des pratiques de téléchargement et d’échange de la musique vers la vidéo (films, série, sports, émission de télévision)

Big Champagne observe une « croissance spectaculaire » de BitTorrent : une progression de la population des « seeders » (ceux qui partagent les fichiers) et des « leechers » (ceux qui les « pompent »).

En mai 2006, Big Champagne recensait une moyenne de 817 588 participants (seeders et leechers). En mai 2007, leur nombre atteignait 1357 318, soit une progression de 66 %.

Big Champagne observe, d’ailleurs, une progression des echanges de musique sur bitTorrent. « It’s the most popular place to download albums. Big Champagne has recently noticed an increased number of torrents consisting of rips of HD discs. There’s a quite small, but active population that’s downloading the HD features » (Eric Garland)

Big Champagne constate aussi un regain d’activité sur Usenet et les newsgroups (les plus anciennes « sources » de fichiers musicaux et vidéo).

6. Les plateformes de partage prennent le relais des réseaux P2P pour l’accés « non autorisé » aux oeuvres

La part du P2P recule dans la bande passante

Selon une étude menée par l’équipementier Ellacoya Networks, le trafic Web « normal » vient de dépasser le trafic lié au peer to peer, et ce pour la première fois depuis quatre ans. Les flux « HTTP » redeviennent le principal consommateur de bande passante.

D’après cette enquête, qui s’appuie sur une analyse des usages d’un million d’abonnés haut débit en Amérique du Nord, 46% du trafic généré sur le réseau provient de flux HTTP « classiques », devant le trafic généré par le peer to peer (37%). 9% du reste du trafic est lié aux forums « usenet » (protocole NNTP), 3% au streaming « non-HTTP » de vidéos, 2% aux jeux et 1 % à la voix sur IP.

Au sein du trafic HTTP, 45% des échanges ont trait à la consultation de pages Web « traditionnelles » (textes et images), tandis que la diffusion de vidéo en streaming pèse 36% et les flux audio représentent 5%. A lui seul, YouTube compte pour environ 20% du trafic HTTP (10% du trafic global).

6. L’impact encore méconnu des réseaux sociaux sur l’écoute de la musique

L’essor des réseaux sociaux est l’un des phénomenes marquants de l’année 2007.

La musique occupe une place centrale dans certains réseaux sociaux (comme Myspace ou Bebo). Elle est de plus en plus présente sur Facebook.

Selon Entertainment Media Research, 77% des internautes britanniques de 13-17 ans ont utilisé MySpace, 61% Bebo et 22% Facebook

39% des participants à des réseaux sociaux ont incorporé de la musique dans leur profil : 65% pour les utilisateurs de Bebo et 63 pour ceux de MySpace.

Notes :

[1] L’Idate estime qu’en 2003, près de 150 milliards de fichiers musicaux (contre 50 milliards vendus sur support physique), un milliard de films en DVD et 550 millions d’images ont été échangés sur les réseaux pair-à-pair.

[2] CacheLogic, « P2P in 2005 ».

[3] « OECD, Information Technology Outlook 2004 : Peer-to-peer networks in OECD countries »

[4] V. rapport du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique sur « le Peer-to-Peer », décembre 2005.

[5] Monitoring du téléchargement Idate-Médiamétrie//NetRating,www.idate.fr/pages/index.php ?rubrique=etude&idr=16&idp=167&idl=6.

[6] http://www.ifpi.org/content/library/digital-music-report-2007.pdf

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