Conseil constitutionnel : la préservation de l’Etat de droit confiée à un «club de retraités» de droite

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Tribune publiée dans Libération le 3 avril 2025

Marine Le Pen a été condamnée ce lundi 31 mars à deux ans de prison ferme et à cinq ans d’inéligibilité avec application immédiate au procès des assistants parlementaires du RN. La décision du Conseil constitutionnel dans la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), relative à la démission d’office d’un élu local, n’aura finalement pas dissuadé les juges de prononcer l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité à l’encontre de l’ex-candidate à la présidentielle. Les «sages», soucieux de ne pas donner l’impression de s’immiscer dans l’élection présidentielle, s’étaient bien gardés de prendre une position tranchée. Ils avaient toutefois invité discrètement le juge pénal à apprécier la proportionnalité d’une exécution provisoire au regard de la liberté de l’électeur, et donc son effet sismique sur l’élection présidentielle. On imagine l’inconfort du tribunal correctionnel face à cette mise en garde feutrée des sages, publiée trois jours avant qu’il ne rende son jugement.

Les cours constitutionnelles sont dans la ligne de mire des forces populistes et autoritaires, comme on l’a vu en Hongrie et en Pologne. En Allemagne, anticipant une forte progression de l’extrême droite au Bundestag, celui-ci a adopté, en décembre 2024, deux projets de loi visant à «renforcer la résilience de la Cour constitutionnelle fédérale». Rien de tel, en France. Au contraire, les dernières nominations, notamment, celle indécente de son président (1) ont encore affaibli l’institution. Il y avait, pourtant, urgence à renforcer son autorité en y désignant des personnalités incontestables.

Comment permettre au public de vérifier les faits : le projet Vera

La vérification des faits actualise, à l’ère des réseaux sociaux des savoir-faire journalistiques. Le fact-checking désigne le processus qui consiste à vérifier l’exactitude d’une ou plusieurs informations en les confrontant à sources fiables, des données factuelles et des preuves concrètes pour en évaluer la validité.Depuis le début des années 2000 aux États-Unis, puis progressivement ailleurs dans le monde, de nombreuses initiatives de fact-checking ont vu le jour : collectifs spécialisés et indépendants ou équipes et rubriques dédiées dans les agences de presse et les médias.

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Le Duke University Reporters’ Lab a dénombré plus de 400 rédactions de vérification des faits dans plus de 100 pays en 2023.

Le fact-checking est encadré par des organisations comme l’International Fact-Checking Network (IFCN) et l’’EFCSN, en Europe, qui établissent des standards rigoureux en matière de transparence, d’impartialité et d’indépendance pour les fact-checkers à travers le monde.

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Pourquoi les conspirationnistes détestent Wikipedia.

Les conspirationnistes ne ménagent pas leurs efforts pour introduire leurs « faits » et leurs interprétations des faits dans les pages de l’encyclopédie. S’ils souhaitent donner de la visibilité à leurs récits, les conspirationnistes souhaitent surtout faire bénéficier leurs énoncés du gage d’autorité sans pareil qu’apporte désormais Wikipédia : une forme de validation.

  1. Wikipédia au travers de ses règles (la vérifiabilité, en premier lieu), de procédures et de dispositifs divers, se montre, au final, assez efficace pour détecter les énoncés conspirationnistes et les écarter, a l’issue parfois de laborieuses guerres d’édition.
  • 2. Moins connu est le travail effectué par les wikipédiens qui consiste, non pas à écarter les récits conspirationnistes, mais, au contraire, à les collecter , après les avoir debunkés, et les ranger dans des sections et des pages dédiées.

Affiches politiques

Dans le cadre du Festival GraphicPecs à Pecs (Hongrie), j’ai présenté une sélection d’affiches politiques ( Vietnam, Cuba, Black Panthers, Chili,MLF, Prague, Lip… ) que j’avais glanées, ici ou là, entre 1966 et 1975.

Le théme du festival, orchestré par Michel Bouvet et Fanny Lafitte, cette année était « Pop Rock Underground ». Des affiches, pochettes de disques qui ont marqué les esprits, comics, livres, publications, fanzines mais aussi photographies… Plus de 1300 oeuvres, de 1960 à nos jours….

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D’une emprise à l’autre : tribulations judiciaires et psychiatriques du professeur Fourtillan 

Publié sur ConspiracyWatch

Figure de la mouvance covido-complotiste, le pharmacologue semble aujourd’hui sous l’emprise d’un homme d’affaires manipulateur, ce qui inquiète jusqu’à ses partisans de la première heure.

Illustration CW.

Il est l’homme qui affirmait que le virus du Covid-19 avait été « fabriqué par l’Institut Pasteur » : Jean-Bernard Fourtillan, l’une des figures les plus fantasques de la sphère covidosceptique, était devenu l’un de ses « martyrs » après son bref internement en psychiatrie en décembre 2020. Mais ses soutiens les plus fidèles s’inquiètent aujourd’hui de sa disparition et affirment que le pharmacologue serait tombé sous l’emprise d’un homme d’affaire mythomane et peu scrupuleux…

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 J’ai fini par lire « les derniers jours du Parti socialiste ».

J’avoue qu’une fois ouvert, je l’ai lu jusqu’au bout. Mais avec un sentiment de malaise, du début à la fin.

C’est un livre haineux. Ses personnages Bouvet, Onfray ou Enthoven ne sont animés que par des passions tristes : ressentiment, jalousie, frustration….

 (Je n’aime pas Houellebecq, le maitre de Bellanger, mais au moins s’intéresse-t-il à ses personnages. Pas Bellanger. Ses personnages sont des caricatures hideuses.

Commentant son livre, sur France Inter, Bellanger a expliqué « C’est la première fois que j’ai eu envie d’écrire pour faire du mal à des gens. […] j’ai des ennemis, ce qui est relativement nouveau pour moi, et je veux leur infliger le plus de dommages possibles. Cela a été mon moteur. […] Je veux “canceller” ces gens qui sont nuisibles au débat politique. Qu’ils se taisent à jamais, qu’ils retournent dans leur ridicule ».

C’est aussi un livre complotiste, sous tendu par un imaginaire complotiste, avec des forces obscures qui manigancent dans l’ombre.

Le complot est un puissant ressort littéraire (voir Umberto Eco). Encore faut-il faire l’effort de décrire le complot, sur lequel il prétend avoir enquêté . Rien de tel  ici : de même qu’il ne s’intéresse pas à ses personnages, Bellanger ne fait même pas l’effort de mettre   le complot en récit : l’objectif du complot, comment il a été pensé, mis en œuvre, exécuté. Son déploiement. Ses ajustements en fonction des circonstances. 

On ne sait pas, à la fin du livre, si le plan secret de Gremond (Bouvet) et du Mouvement du 9 décembre (Printemps républicain) a abouti ou s’il a été instrumentalisé par Macron, principal bénéficiaire du prétendu complot, avec l’extrême droite. 

De l’avantage épistémique des thèses LIHOP

article publié par ConspiracyWatch

Peu après l’attentat de Butler, on a vu resurgir deux acronymes classiques de la rhétorique conspirationniste sur les attaques du 11-Septembre : LIHOP (« Let It Happen On Purpose ») et MIHOP (« Make It Happen On Purpose »). Explications.

Site du meeting de Donald Trump à Meridian, près de Butler, en Pennsylvanie, le 13 juillet 2024 (capture d’écran d’un compte complotiste sur X).

Dans les minutes qui ont suivi la tentative d’assassinat contre Donald Trump, la mécanique complotiste s’est enclenchée, avec l’identification d’anomalies, la chasse aux indices et aux détails troublants… et leurs lots de premières fausses pistes. Les hashtags « #staged » (mis en scène) et « #falseflag » (faux drapeau) se sont tout de suite hissées en tête des tendances sur X. Selon la société Cyabra, les hashtags « #FakeAssassination » » et « #StagedShooting » ont recueilli 595 millions de vues en une seule journée.

Dans le climat politique fiévreux et polarisé de l’Amérique, ces théories s’organisent autour de deux grands récits, chacun étant guidé par la même logique du « cui bono ? » (« à qui cela profite-t-il ? »). Les partisans de Trump, à la suite d’Alex Jones, dénoncent une tentative d’assassinat ratée par les Démocrates, un « inside job » de ce fameux « État profond » qui a déclaré la guerre à Trump et au peuple américain. À l’appui de leur thèse, des failles de sécurité trop évidentes pour ne pas être délibérées : le Secret Service et la police locale ont laissé un toit sans surveillance à seulement 135 mètres de Trump, l’identification d’une menace une heure avant les tirs, le repérage d’un tireur sur le toit dix minutes avant que Trump ne monte sur scène, enfin les tirs décisifs des snipers après que Thomas Crooks ait pu tirer huit coups de feu. Trump ne doit en outre sa survie qu’au heureux hasard d’avoir effectué un mouvement de la tête au tout dernier moment. Un miracle que beaucoup de ses partisans interprètent comme une véritable « intervention divine ». Sans même parler du drapeau américain qui, un instant, se serait transformé en ange protecteur

Un récit symétrique avance l’hypothèse que Trump aurait lui-même orchestré sa propre tentative d’assassinat, afin de gagner davantage de sympathie et de soutien pour l’élection présidentielle de novembre prochain. À l’appui de cette thèse : la combativité de Trump après les coups de feu, brandissant son poing en l’air en répétant : « Fight! Fight! Fight! », comme s’il s’y était préparé ; ou le sourire arboré sur une photo − en réalité trafiquée après coup − par un agent du Secret Service au moment où il escorte l’ancien président américain hors de la tribune. Le Washington Post rappelle, à cette occasion, qu’il existe aussi au sein du camp démocrate une tentation conspirationniste, allant jusqu’à parler de « BlueAnon », un jeu de mot péjoratif qui associe le terme QAnon et la couleur bleue des Démocrates.

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