Brevets et marques dans la guerre commerciale (1988)

Paru dans le Monde Diplomatique, Avril 1988         

Dans le corps à corps industriel qu’est devenue la compétition économique mondiale, le pillage des technologies est moins coûteux que l’effort de recherche et de mise au point. Quant à la contrefaçon, elle a pris une dimension planétaire, s’organisant au point d’investir n’importe quel marché dans le monde.

Le détournement de technologies, de savoir-faire et d’appellations commerciales n’est pas pour autant l’apanage d’un petit groupe de pays nouvellement industrialisés. Régulièrement, des procès retentissants opposent entre elles de puissantes multinationales (Kodak et Polaroïd, IBM et Fujitsu). Quant aux services spéciaux des grandes nations, ils prêtent volontiers main-forte aux firmes pour protéger leur patrimoine technologique ou parfois forcer les secrets des concurrents.

Dans la mutation profonde que traverse le système productif, les idées, l’intelligence, les investissements immatériels prennent une importance décisive : les distinctions entre pillage délibéré, copie, imitation, inspiration, seront de plus en plus difficiles à établir. Alors que la contrefaçon traditionnelle s’apparente plutôt au marché noir ou à l’économie souterraine, l’intellectualisation des nouveaux processus de production ouvre un espace vertigineux aux formes modernes de cette véritable « zone grise » de l’économie. Le domaine des logiciels met d’ores et déjà en relief le vacillement des catégories juridiques d’invention, d’originalité et de forme.

Des privilèges royaux accordés par Wenceslas IV en Bohême, au quatorzième siècle, pour l’exploitation minière, jusqu’aux problèmes épineux de propriété industrielle dans les biotechnologies, les Etats ont mis en place de complexes dispositifs réglementaires pour garantir aux inventeurs et aux entrepreneurs une protection de leurs inventions et de leur savoir-faire, de leurs marques et de leurs dénominations commerciales, Ces « règles du jeu » avaient aussi pour objectif, plus ou moins explicite, la promotion et la protection de leurs industries (1).

Autour de ces réglementations et de ces traités se sont édifiées des institutions – les offices de propriété industrielle, – chargées d’enregistrer marques et inventions et, dans une certaine mesure, de faire respecter les règles du jeu. Pour moraliser la compétition commerciale et technologique, elles ont conclu traités et conventions, ce tissu enchevêtré d’accords sur la propriété industrielle tenant un peu lieu de droit de la guerre économique.

De négociations en ratifications, d’accords bilatéraux en conventions internationales, une diplomatie parallèle, technologique et commerciale, se met ainsi en place avec, comme enceintes, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et, chaque jour davantage, l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT)

(1)  Voir Philippe Darouin, « Brevets : la France peut mieux faire ! », Science et technologie , février 1988.

 

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