Le documentaire Operation Hollywood est désormais disponible en DVD aux Editions Montparnasse.
« La longue collaboration entre Hollywood et le Pentagone a permis aux studios américains de produire des films aux budgets gigantesques et à l’efficacité redoutable… Retour sur une association fructueuse : connivence, échanges de bons procédés, propagande insidieuse voire censure : ce film retrace les soubresauts d’une coopération fort complexe. Illustré de nombreux extraits de films (Patton, Pearl Harbor, Top Gun, Apocalypse Now, etc.) et de témoignages de cinéastes, de militaires et de journalistes, Opération Hollywood radiographie plus de soixante ans de cinéma de guerre américain et y décrypte l’influence du Pentagone ».
Le Monde : Hollywood, frère d’armes du Pentagone
La fin des années 1920, le ministère de la défense des Etats-Unis ouvrit un bureau pour établir un pont entre les industries du cinéma et le Pentagone. Il s’agissait d’unir les forces hollywoodiennes et militaires pour montrer comment la nation combat tout ce qui la menace. L’Amérique a toujours préféré se représenter en agressée qu’en agresseur. Inédit en salles, Hollywood Pentagone (2004) retrace cette collaboration complexe entre le pouvoir (désireux de vendre une image positive de l’armée, empreinte d’héroïsme) et les cinéastes.
Le premier film emblématique fut Wings, de William Wellman (1927), exaltation de la bravoure des soldats et de l’invincibilité de l’armée. En 1943, 26 000 personnes liées à l’industrie cinématographique participèrent à l’effort de solidarité nationale, en uniforme ou dans les shows destinés à remonter le moral des troupes.
De grands cinéastes furent mobilisés sur les fronts : William Wyler et John Sturges en Europe, George Stevens sur le Débarquement, John Huston pour filmer la bataille de San Pietro, dans le Pacifique. Le Pentagone accusera ce dernier d’avoir fait un film « pacifiste ». Dans le documentaire, Pacull interroge Philip Strub, le responsable des relations de Pentagone avec Hollywood, qui donne une démonstration de langue de bois.
Pour lui, Apocalypse Now, de Francis Coppola, n’est « pas très intéressant » : le film remet en cause le bien-fondé de la guerre en général, et de celle du Vietnam en particulier. Pas intéressant non plus Johnny s’en va-t-en guerre, de Dalton Trumbo. En revanche, Top Gun, de Tony Scott, « réhabilite l’armée, la montre sous un jour positif ». Le Pentagone exulte : on croirait voir un film de propagande de recrutement. L’institution ne collabore pas avec un film qui porte atteinte à son image.
C’est ainsi que le Pentagone refusa d’aider Treize jours, de Roger Donaldson (2000), avec Kevin Costner, parce que évoquant la crise de Cuba, il montrait les militaires comme des fanatiques antisoviétiques. Et exalta Patton (1970), de Franklin J. Schaffner, parce qu’il donnait un « portrait nuancé du personnage ». Il aida en 2001 La Chute du faucon noir, de Ridley Scott (sur le crash d’un hélicoptère à Mogadiscio), parce qu’il « exalte le courage des soldats », et refusa de coopérer avec La Ligne rouge, de Terrence Malick, peu orthodoxe.
Pacull donne la parole à plusieurs contradicteurs, dont le juriste Jonathan Turley, qui considère que le Pentagone viole le premier amendement de la Constitution garantissant la liberté de parole. Ne pouvant utiliser le bâton, l’armée, selon lui, use de la carotte : l’argent, le matériel, les archives.
Le bonus – excusez du peu – est constitué par Let There Be Light (« Que la lumière soit »), documentaire de John Huston, tourné en 1946, sur les séquelles psychologiques, les troubles neuropsychiatriques subis par les soldats rescapés de la seconde guerre mondiale. Le film fut saisi par le Pentagone et interdit jusqu’en 1980.
Libération : Hollywood, bras armé du Pentagone
Une chronologie rigoureuse des films de guerre tournés par Hollywood est la plus éloquente démonstration des liaisons dangereuses qui unissent l’industrie militaire à celle du cinéma. Le film d’Emilio Pacull, Hollywood Pentagone, se charge d’éclairer les dernières zones d’ombre de ces tournages sponsorisés par le Pentagone, qui met à disposition instructeurs et matériel militaire (de la Jeep de collection au porte-avions en activité) pour aider les films « méritants ».
Au besoin, l’armée demande que certains passages disparaissent du script. Les divers intervenants reviennent sur cette étrange association, où tout le monde a compris depuis longtemps quels bénéfices réciproques l’enthousiasme pour les valeurs martiales et la glorification des héros de l’Amérique, pouvaient engendrer. Au terme d’un tel réquisitoire, l’amère sentence du journaliste David L. Robb reste longtemps à l’esprit : « Je me demande combien de gamins se sont engagés pour le Vietnam ou pour l’Irak après avoir vu ce genre de films. »
En plus de ce documentaire, les éditions Montparnasse ont eu la riche idée d’ajouter en bonus royal Let There Be Light, docu de John Huston, tourné à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le jeune réalisateur avait planté sa caméra dans un hôpital militaire chargé de requinquer les jeunes soldats en état de stress post-traumatique. On ne perd pas une miette des souvenirs obsédants, catatonies, bégaiements compulsifs et autres brutales crises de larmes de ces gaillards honteux de leur faiblesse dans un monde qui ne l’a jamais encore admis. Le film tape encore dans le mille aujourd’hui, comme un écho à la sanglante et pourtant banale actualité irakienne.
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