Congrès PS 2008 : Pourquoi nous rejoignons le Pôle écologique

Benoit Thieulin et moi-même avons signé la Contribution générale du pôle écologique.

Pour trois raisons.

> En prenant pleinement la mesure des crises écologique, climatique et énergétique, cette contribution est probablement la seule qui projette le socialisme dans le XXI ème siècle.

Le socialisme écologique qui s’esquisse à travers cette contribution s’écarte à la fois de l’héritage marxiste et de la tradition social-démocrate, marqués tous les deux par une conception économiciste et productiviste de la société. Le socialisme, né au XIX ème siècle d’une critique de l’industrialisation, reste enraciné dans la société industrielle, la production en masse de biens, une organisation pyramidale de la société.

- La deuxième raison, c’est que les auteurs de cette contribution ont accordé une large place à nos préoccupations en intégrant de longs paragraphes consacrés à la « la société de la connaissance ouverte » (page 10), à la réforme du système educatif (pages 11-12), au rééquilibrage de la propriété intellectuelle (pages 19- 20), à la préservation de l’espace de libertés que constitue l’internet (page 17).

- La troisième raison, c’est que cette contribution rassemble des signataires issus de tous les courants, sensibilités et écuries présidentielles.

Pour les gens, comme nous, qui ont du mal à se reconnaître dans les divers présidentiables et qui tardent à être convaincus par les divers candidats aux fonctions de Premier secrétaire, cette contribution est un refuge et un havre de paix.


Les paragraphes de la contribution du pôle écologique qui font écho à nos préoccupations


Une société de la connaissance ouverte (Pages 10)

Nous venons de traverser cinq années pendant lesquelles les politiques conduites par le gouvernement ont traité internet et le numérique comme des menaces et non comme une chance. Il faut changer ce regard, reconnaître le présent et prendre le parti des possibles.

Le développement de l’internet et du numérique ouvre la perspective d’une société de la connaissance ouverte. De nombreux facteurs peuvent en entraver l’avènement. Les pressions seront fortes et les occasions nombreuses pour limiter ces libertés et les capacités données aux citoyens. De puissants groupes d’intérêt, certaines forces au sein des États, et en particulier les dictatures, n’auront de cesse de revenir sur ces libertés et ces capacités nouvelles. Jamais autant d’informations, de connaissances et de création n’ont été accessibles à un aussi grand nombre d’individus. Plus important encore, jamais autant de personnes n’ont été en mesure d’exprimer leurs opinions sur les affaires du monde, mais aussi de rendre leurs productions accessibles et réutilisables et ainsi d’en créer de nouvelles.

Lorsque leur développement s’effectue dans un cadre démocratique et ouvert, les technologies numériques et internet ouvrent un extraordinaire espace de libertés : libertés de s’exprimer, de créer, d’accéder à l’information et aux oeuvres, mais aussi d’innover à faible coût d’entrée.

A partir du moment où existent certaines architectures techniques et que les savoirfaire nécessaires pour en faire un usage pertinent sont largement diffusés, ces libertés deviennent constitutives, comme le dit Amartya Sen, de capacités.

Internet et le numérique augmentent les capacités d’expression et d’action des individus et des groupes. Et démultiplient leur rayon d’action. Ces capacités permettent à chacun et chacune de faire entendre sa voix. D’échanger avec d’autres et de coopérer. D’entreprendre. D’atteindre un public ou des marchés. D’entrer en contact avec un grand nombre de personnes, sur un territoire ou dispersées dans le monde. D’opérer sur une base géographique étendue. D’agir comme consommateur responsable et comme citoyen.

Comme toute grande transformation, internet et le numérique bousculent les positions acquises. Ils apparaissent comme un désordre avant de montrer la richesse de ce qu’ils produisent. La transition est difficile, et il est justifié de veiller à ce qu’elle ne soit pas destructrice de qualités précieuses. Mais il ne faut pas s’y tromper : le monde ne restera pas en place. Les bénéfices qu’en tireront les sociétés dépendent pour beaucoup de la maîtrise qu’en auront les citoyens et de la pertinence des politiques qui seront conduites. Une fois les possibles reconnus, les défis commenceront : les bénéfices d’une société de la connaissance ouverte ne se développeront pleinement que si on investit dans ses bases éducatives, sociales et économiques.

Système éducatif (Pages 11 et 12 )

L’Education nationale a assumé, depuis la deuxième guerre mondiale, une. croissance continue du nombre d’élèves scolarisés : 3 % des Français passaient le baccalauréat en 1945 ; ils étaient 35 % en 1985 et sont désormais près de 85 %. Il y a aujourd’hui plus d’enseignants à l’université que d’étudiants en 1950.Cette massification induit le risque d’une hétérogénéité croissante des élèves mais s’est paradoxalement accompagnée d’une uniformisation des pratiques. Au collège, avec la réforme Haby et l’instauration, en 1975, du collège unique, c’est, chaque année, la totalité d’une classe d’âge (environ 750 000 élèves) qui reçoit le même enseignement : programme, méthodes, outils.

Au XIXe siècle, les « études », dirigées par des personnels spécifiques, maîtres d’études, maîtres répétiteurs, professeurs adjoints, représentaient la majeure partie du travail des élèves dans les lycées d’État et surtout les collèges communaux. Au début du XXe siècle, quand la France a scolarisé les enfants des classes moyennes et populaires, elle a renvoyé ces tâches d’encadrement sur les familles : répétition des leçons, accompagnement des exercices et des devoirs, aide aux devoirs, etc. Ainsi, l’école, en se démocratisant, s’est privée du principal instrument de réussite de cette démocratisation. Le nouveau système éducatif a donc été conçu selon les principes d’organisation dominants de cette époque : division du travail entre enseignants (dans le secondaire), durée uniforme des cours, classe constante sur l’année cloisonnement entre l’école et le domicile…

Les outils (manuel scolaire, tableau) et les méthodes (cours magistral, examen individuel écrit et oral) étaient alors adaptés à ces principes. Ils ont tenu tant que le système rejetait les élèves « inadaptés » à cette manière d’enseigner. Avec la massification, l’hétérogénéité croissante des élèves a montré -durement – les limites de ce modèle.

Les moyens manquent donc aujourd’hui pour faire face à la nouvelle massification. Mais les moyens manqueront toujours si l’on se contente des solutions traditionnelles : un système organisé autour d’un modèle pédagogique unique – l’enseignement magistral – et d’un outil – le manuel scolaire papier – devenus obsolètes.

Ces difficultés surgissent à un moment où l’école est elle-même concurrencée. La société est désormais riche en informations, sollicitations et stimulations. L’enseignant n’a plus le monopole du savoir ni de la parole autorisée à destination des élèves. Les enfants, à travers la télévision, Internet ou le jeu vidéo sont stimulés, intéressés, sollicités et reçoivent une éducation informelle, orthogonale, et parfois même opposée à celle que délivrent les enseignants.

Les réformes, dans le modèle actuel, échouent car il est impossible de réformer sans avoir défini les objectifs, les méthodes, les organisations et les outils de l’enseignement de masse dans la société de l’information. Cette transformation doit être concertée et progressive. Elle doit s’inscrire dans la durée – dix ans au moins – et mobiliser l’ensemble des acteurs : enseignants, État, collectivités locales, familles, chercheurs, producteurs de ressources et de logiciels éducatifs. Il est en effet essentiel de renouer le dialogue sur les objectifs, les moyens et les leviers de cette transformation.

Aussi, nous proposons :

- un effort massif de rattrapage pour l’école, et surtout pour les universités et la recherche. Celui-ci doit s’accompagner d’une diversification des modèles et d’une multiplication des approches :

- l’adjonction, pour les tâches de travail personnel, de répétiteurs ;

- l’ouverture à la coexistence de modèles pédagogiques L’utilisation des outils et ressources éducatives numériques ;

- l’utilisation des nouvelles technologies ne nécessite pas simplement des ordinateurs communicants, des ressources et des logiciels.

L’Éducation nationale tarde à tirer parti des technologies éducatives qui fournissent pourtant
- les moyens de véritables révolutions : o L’accès à des savoirs nombreux, structurés, actualisés émanant du monde entier ;
- Des outils de création et de production de niveau « professionnel » mis à disposition de tous ;
- Des modalités de communication, de travail collaboratif, de publication de résultats et, de manière générale, de nouvelles formes de relations avec des acteurs variés ;
- Des logiciels permettant de nouer de nouvelles formes de confrontation au savoir, pertinentes et élaborées.

L’utilisation de ces technologies ne nécessite pas simplement des ordinateurs communicants, des ressources et des logiciels : elle appelle avant tout un projet collectif, impliquant la communauté éducative.

Pour libérer la créativité et autoriser la juxtaposition des stratégies des enseignants, il faut encourager et récompenser l’initiative pédagogique, soutenir la recherche sur les pratiques et les usages, encourager les expériences favorisant la diversité des parcours et diffuser une culture de l’évaluation de ces efforts.

Ceci appelle avant tout un projet collectif, impliquant la communauté éducative.

Préserver l’espace de libertés constitutif de l’internet (page 17)

Le respect des libertés fondamentales constitutives d’internet devra être une préoccupation constante. s’agit des libertés d’expression, des libertés d’usage de tout ce à quoi on accède légalement, et des libertés d’innovation, notamment celles qui utilisent les mécanismes de biens communs comme les logiciels libres. D’autres droits peuvent limiter l’exercice de ces libertés, mais jamais leur principe même.

Le rééquilibrage de la propriété intellectuelle (pages 19- 20)

La révolution informatique et internet ont ébranlé un équilibre qui s’était installé au 19ème siècle et consolidé au 20ème siècle. La propriété littéraire et artistique (droits d’auteur et droits voisins) et la propriété industrielle (brevets, marques) ont été mondialisés par les accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) au moment précis où des choix fondamentaux demandaient débat et arbitrage.

Certains de ces choix portent sur les conditions de leur application à de nouveaux objets : droits d’auteur ou brevets pour les logiciels, par exemple. D’autres sur la mise en oeuvre des droits : mesures techniques de protection et leur protection juridique, statut des échanges non commerciaux, nature des sanctions et mesures préventives. Il nous faut parvenir à trouver le chemin du bien public dans une situation inédite. Le relatif équilibre qui s’était installé dans le triangle créateurs / industries culturelles / usagers est profondément chamboulé dans deux directions contradictoires. Les usagers sont dotés par les nouveaux outils de capacités immensément étendues de copier, échanger, recommander, s’exprimer, créer. La frontière qui séparait nettement usagers et créateurs devient floue, et les créateurs voient devant eux de nouvelles possibilités d’atteindre des publics étendus et de faire vivre des oeuvres. Les nouveaux intermédiaires (comme Google) qui servent ces capacités et hébergent des créations devenues innombrables détiennent un pouvoir sans précédent. L’Europe n’y est représentée que par un tissu de petites sociétés innovantes qui pourraient cependant grandir si elles étaient rejointes par quelques grands acteurs et disposaient d’un environnement juridique plus ouvert.Les industries culturelles traditionnelles sont devant le choix de maintenir leurs modèles commerciaux installés en faisant la guerre aux usagers ou de s’adapter aux nouvelles pratiques, mais au prix d’une adaptation drastique de ces modèles commerciaux. Il faudra les aider à effectuer cette transition, notamment pour les producteurs indépendants, sans pour autant ignorer que la transition est inévitable. Dans cette situation, nous devons permettre le développement d’activités économiquement soutenables qui sont porteuses de diversité culturelle et d’innovation. Il existe aujourd’hui une reconnaissance générale d’une crise provenant d’une délivrance laxiste des brevets … qui ne s’est pourtant produite que parce qu’on a cédé aux demandes de quelques industriels.

Nous proposons d’engager :

· une action prolongée afin de rééquilibrer l’édifice de la propriété intellectuelle pour en refaire un outil respecté de la culture, de l’innovation, au service de la société de la connaissance ouverte que nous souhaitons. Cette action commence en Europe, et le programme du PSE pour les élections européennes de 2009 devra l’inscrire parmi ses engagements politiques. · une action déterminée contre le durcissement des droits de propriété dans la sphère intellectuelle, en faveur de la liberté de création et de la définition de biens communs non brevetables notamment dans les domaines de la connaissance et des logiciels. Cela passe, par exemple, par un réexamen dans ce sens des directives « bases de données », « droit d’auteur », « respect de la propriété intellectuelle ».

http://poleecologiquedups.typepad.fr/

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