Article publié en novembre 1992 dans le Monde Diplomatique
Surcapacités de production dans les composants et relance de la fuite en avant technologique, guerre des prix et accélération « sauvage » du cycle de renouvellement des innovations et des produits dans l’informatique : en 1991 et 1992, pratiquement tous les industriels de l’informatique et des composants ont connu des résultats en baisse, voire des pertes. Pour restaurer leur rentabilité, les constructeurs licencient par dizaines de milliers. IBM a engagé une profonde refonte de ses structures et de sa culture. La situation n’est pas meilleure dans l’électronique grand public : la diffusion des magnétoscopes, chaînes hi-fi et lecteurs de compacts marque une pause : pour relancer leurs activités, les industriels tablent sur un renouvellement des téléviseurs et sur l’émergence d’une nouvelle génération d’équipements (téléphone « intelligent », téléphone mobile, micro-ordinateur portable, disque compact interactif).
Cette crise de maturité de la filière électronique affecte tout particulièrement les industriels européens. Leur part de la production mondiale n’est plus que de 26 % dans l’électronique, 10,5 % dans les semi-conducteurs (49,5 % pour le Japon, 36,5 % pour les Etats-Unis), 15 % dans les équipements périphériques (40 % pour le Japon, 25 % pour les Etats-Unis), 20 % dans l’électronique grand public (55 % pour le Japon). Dans l’informatique, la production réalisée en Europe ne couvre que les deux tiers de sa demande intérieure, et est assurée à 60 % par des firmes d’origine américaine. Après un net redressement entre 1984 et 1987, l’industrie communautaire a reperdu du terrain. Son déficit commercial atteignait 9 milliards d’écus en 1984. Il est passé à 31 milliards en 1990.
Les reculs dans l’informatique, les composants et l’électronique grand public tranchent singulièrement avec les bons résultats des Européens dans l’aéronautique, les télécommunications ou l’électronucléaire. Le soutien des gouvernements n’a pourtant pas manqué aux champions nationaux de l’informatique pendant les années 70. Un par un, la plupart d’entre eux sont pourtant passés sous contrôle étranger ou ont perdu leur indépendance technologique. ICL est désormais sous le contrôle de Fujitsu et Olivetti dans l’orbite de Digital Equipment ; le gouvernement français s’est finalement tourné vers IBM pour préserver l’avenir de Bull, tout en confortant la position de NEC dans son capital. Philips s’est désengagé des composants. Thomson Consumer Electronics traverse une phase difficile. Seul Siemens continue d’investir pour rester présent dans l’ensemble de la filière électronique.
Maurice Ronai