Notre système éducatif, dont les moyens ne cessent d’augmenter, échoue pourtant à atteindre ses objectifs affichés (80 % d’une classe d’âge au baccalauréat) et surtout, à garantir la qualité de l’éducation pour tous. Malgré l’intense effort de généralisation, près de 20 % des Français ont des difficultés avec la lecture ou l’écriture.
Les réponses privées, la recherche de services de proximité, après l’école, la croissance des dépenses des ménages pour le soutien scolaire (estimées à 1,5 milliards d’euros par an)… Tous ces indicateurs montrent que le corps social a commencé à rechercher des réponses aux insuffisances du service public, en dehors de lui…
Pendant ce temps, la compétition internationale s’accroît, au sein de l’Europe, comme à l’échelle du monde. La France est absente des efforts de standardisation, traite par le mépris les enquêtes internationales, dont les résultats lui sont peu favorables, et observe, passive, l’intense bataille des contenus numériques qui s’amorce.
Le niveau actuel n’est maintenu que grâce au dévouement des enseignants et à l’investissement des parents. Il est condamné à évoluer, car les générations futures d’enseignants n’accepteront pas ce que leurs aînés ont accepté.
La question éducative est la question centrale des dix prochaines années. Elle conditionne toute ambition de changement social et doit être au cœur du projet socialiste.
Comment est-il possible qu’un effort national de plus de 6 % du PIB de la France (20 % du budget de l’Etat) produise des résultats aussi décevants ?
Les individus ne sont pas en cause, au contraire : ils tiennent le système à bout de bras. Les facteurs sont sociaux, certes, mais surtout endogènes : une organisation forgée au XIXe siècle et des outils obsolètes, incapables d’assurer la généralisation engagée.
Le système éducatif, en effet, a été forgé selon les principes d’organisation qui prévalaient dans de nombreuses institutions (usine, hôpital, armée, administration…). Ces principes, reposent sur des organisations et sur des technologies désormais datées : classe, cours magistral, tableau noir et manuel scolaire.
Alors que la pédagogie, la didactique ou les programmes changent constamment, alors que les modalités de recrutement et de formation des enseignants, de recrutement ou d’évaluation des élèves évoluent, des principes comme la division du travail entre enseignants spécialisés dans une seule matière (dans le secondaire), la durée uniforme des cours, le choix de la classe comme seule unité d’enseignement ou le cloisonnement entre l’école et le domicile ne semblent pas varier.
Les moyens manquent. Mais ils manqueront toujours si l’on se contente des solutions traditionnelles, de ces solutions qui se contentent de maintenir un système organisé autour d’un modèle pédagogique – l’enseignement magistral – et d’un outil – le manuel scolaire – devenus obsolètes.
Plus qu’une nouvelle réforme, c’est une transformation radicale du système éducatif qui s’impose.
Les réformes dans le modèle actuel conduisent à des échecs. C’est qu’il est impossible de « forger l’acier à froid « , de modifier les structures sans avoir préalablement transformé les processus de travail ; de prétendre installer de nouvelles pratiques sans donner aux acteurs les moyens de leur installation.
Parce que radicale, cette transformation doit être concertée et progressive. Elle doit s’inscrire dans la durée – dix ans au moins – et mobiliser l’ensemble des acteurs : enseignants, Etat, collectivités locales, familles, recherche, producteurs de ressources et de logiciels éducatifs.
Le parti socialiste a laissé s’installer un malentendu durable avec les enseignants. Il lui incombe de renouer le dialogue avec eux : sur les objectifs, les moyens et les leviers de cette transformation.
1- Un système à bout de souffle
L’Education nationale a assumé, depuis la deuxième guerre mondiale, une croissance continue du nombre d’élèves scolarisés. En 1945, 3 % des Français passaient le baccalauréat ; ils étaient 35 % en 1985 et sont désormais près de 70 %.
Il y a aujourd’hui plus d’enseignants à l’université que d’étudiants en 1950. Plus encore, cette massification, qui va de pair avec une hétérogénéité croissante des élèves, s’est accompagnée d’une uniformisation des pratiques : au collège, avec la réforme Haby, et l’instauration, en 1975, du collège unique, c’est, chaque année, la totalité d’une classe d’âge (environ 800 000 élèves) qui traverse, pendant quatre ans, le même parcours : programme, méthodes, outils, enseignants.
Cet effort quantitatif s’est accéléré à partir des années 80, avec l’objectif de 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat. Les moyens, financiers et humains, ont été accrus, sans pour autant réussir à corriger la perte progressive d’efficacité du système. Comme dans tous les pays développés, le système atteint ses limites malgré les efforts collectifs : stagnation du pourcentage d’élèves atteignant le niveau du baccalauréat, très loin des objectifs assignés, accroissement des inégalités scolaires, recul des pourcentages d’enfants issus de milieux modestes dans les filières d’élite, réduction des choix offerts en termes de diversification des options et des parcours du fait de la contraction des moyens alors même que l’hétérogénéité des élèves appellerait exactement l’inverse…
Les différences se creusent dès l’entrée en CP. Elles s’accroissent tout au long de la scolarité et deviennent très fortes à partir de la seconde : l’accès en seconde générale est fortement marqué par les origines sociales des élèves. A 18 ans la proportion d’enfants d’ouvriers ayant arrêté leurs études est six fois plus forte que celle des enfants de cadres, un enfant de cadre sur deux est déjà dans l’enseignement supérieur contre un enfant d’ouvrier sur dix. Près de 80 % des enfants d’enseignants et de cadres supérieurs arrivent au baccalauréat sans jamais redoubler, et la moitié d’entre eux obtient le baccalauréat scientifique.
Plus de 90 % des élèves titulaires d’un baccalauréat professionnel, issus des familles modestes ou en difficulté, échouent à l’université.
Plus de 25 % des enfants de professeurs et d’ingénieurs finissent dans une grande école, contre moins de 1 % des enfants d’ouvriers.
L’Education nationale a atteint le stade de massification, de centralisation et de standardisation où les « gains de productivité » sont largement annulés par le coût des échecs : sorties sans qualification, niveau scolaire en chute, malaise des enseignants et des autres partenaires éducatifs, illettrisme, violence en contexte scolaire, inadaptation au marché du travail, incapacité à la maîtrise des langues.
Frustration des personnels, dégradation de leur statut social, impuissance face au délitement des valeurs républicaines : les enseignants sont les premières victimes de cette crise, à l’heure où la société leur transfère des missions de police, d’instruction civique, de santé publique, de socialisation, auxquelles ils ne sont ni préparés ni destinés.
2. Ouvrir le système à de nouveaux modèles organisationnels
Le choix du collectif et du magistral est récent et peut évoluer à nouveau.
Au XIXe siècle, les « études » représentaient, de loin, la majeure partie du travail des élèves dans les lycées d’État et surtout les collèges communaux. Ces activités étaient dirigées par des personnels spécifiques, maîtres d’études, maîtres répétiteurs, professeurs adjoints…
Quand la France a entrepris de scolariser les enfants des classes moyennes et populaires, on a renvoyé sur les familles cet atout de la pédagogie humaniste des XVIIIe et XIXe siècles, et qu’on appellerait aujourd’hui la direction ou l’encadrement des apprentissages : répétition des leçons, accompagnement des exercices et des devoirs, aide aux devoirs, etc.
La pression s’est accentuée sur les professeurs pour qu’ils prennent en charge à la fois l’enseignement et la direction des études, la transmission des savoirs et l’accompagnement de leur apprentissage. Ainsi, l’école, en se démocratisant, s’est privée du principal instrument de réussite de cette démocratisation.
Le système a perduré grâce à une soupape : la réorientation des élèves non adaptés au système, ou insuffisamment encadrés par leurs familles.
Aujourd‘hui, avec la décision, généreuse, de maintenir la majorité des élèves dans le système éducatif ; il n’est plus possible de faire jouer ce type de soupape.
L’accroissement du nombre d’élèves et l’extension de leur diversité, leurs compétences extra-scolaires et leurs rapports aux nouvelles sources d’informations (qu’ils ne maîtrisent d’ailleurs qu’imparfaitement) appellent une diversité de modèles, seule à même de répondre aux besoins singuliers d’élèves différents à qui sont assignés des objectifs similaires. Diversification des modèles, multiplications des approches. C’est cette évolution que nous devons susciter dans la vaste organisation de l’Education nationale.
Elle passe par :
Une évolution des statuts des personnels (revalorisation du statut des enseignants, adjonction, pour les tâches de travail personnel, d’assistants pédagogiques) ;
L’ouverture à la coexistence de modèles pédagogiques ;
L’utilisation massive des outils et ressources éducatives numériques, qui, pour la plupart, forment les leviers de ces nouvelles pratiques.
3. Les technologies éducatives, levier de la transformation
Les nouvelles technologies ont bouleversé notre quotidien ces vingt dernières années : production, création, communication, divertissement… Les salariés du tertiaire, par exemple, passent désormais plus de 50 % de leur temps devant leurs ordinateurs. L’Education nationale tarde à tirer parti de ces outils.
Ces ressources fournissent pourtant les moyens d’au moins quatre révolutions :
l’accès à des savoirs nombreux, structurés, actualisés émanant du monde entier ;
des outils de création et de production de niveau « professionnel » mis à disposition de tous
des modalités de communication, de travail collaboratif, de publication de résultats et, de manière générale, de nouvelles formes de relations avec des acteurs variés ;
et enfin, des logiciels et des algorithmes permettant de nouer de nouvelles formes de confrontation au savoir, pertinentes et élaborées.
Ces outils permettent ainsi d’imaginer une école où l’élève soit actif et engagé dans une relation personnelle avec la construction de son savoir, soit relié avec de nombreux acteurs (autres apprenants, adultes divers), reçoive une information variée dans ses formes (texte, image, son et vidéo) et dans sa nature (documents, systèmes experts, modélisations, logiciels élaborés…)
Ces technologies pourraient permettre à des jeunes en échec scolaire comme surdoués, à des adultes non qualifiés d’accéder à des savoirs complexes : travailler les mathématiques en réalisant les exercices dont on a le plus besoin, explorer les phénomènes physiques en jouant avec des modélisations, apprendre les langues dans des laboratoires de langue, écrire pour être lu.
Elles étendent presque à l’infini l’accès aux ressources de la connaissance et modifient les compétences nécessaires : le « par cœur » est moins utile que la capacité à chercher et exploiter l’information nécessaire pour résoudre un problème, ou encore la capacité de créer, de s’exprimer…
Elles peuvent même faire évoluer les modalités de relation dans l’école, le travail collaboratif, l’échange d’hypothèses et d’expériences pouvant compléter le tout compétitif.
Le rôle de l’enseignant aussi peut évoluer : détenteur du savoir et distributeur des notes et sanctions, il peut progressivement devenir le guide dans le champ du savoir et l’adulte qui aide à problématiser, surmonter les obstacles ou construire son apprentissage.
L’utilisation de ces technologies ne nécessite pas simplement des ordinateurs communicants, des ressources et des logiciels : elle appelle avant tout un projet collectif, impliquant la communauté éducative.
C’est un défi central pour le système éducatif que de jeter des ponts entre la conception classique du savoir (théorique) et cette conception plus expérimentale du savoir fondée sur l’appréhension intuitive, l’exploration des situations, le travail en commun.
4. Sans projet éducatif, les politiques d’équipement quantitatif tournent court
Grâce aux investissements massifs des collectivités, le taux d’équipement des écoles a été multiplié par 7 de 1997 à 2003 (1 ordinateur pour 15 élèves en moyenne en 2004), il a doublé sur la même période pour les collèges et lycées (en moyenne 1 ordinateur pour 9 collégiens et 1 pour 4 lycéens en 2004).
Cet effort, qu’il faut saluer, ne permet pas pour autant de soutenir les comparaisons internationales. Avec moins de 50 % des ordinateurs des établissements secondaires branchés à Internet. La France affiche l’un des taux de branchement les plus bas de l’OCDE, bien loin des 90% observés en Suède, Corée, Norvège, au Danemark ou en Finlande.
Les enseignants ne sont pas réfractaires aux TIC, d’ailleurs ils constituent la CSP la mieux connectée et la plus utilisatrice des TIC à titre individuel. La formation des enseignants à l’utilisation des TIC dans le cadre professionnel n’a en revanche toujours pas abouti, alors qu’on est face à une opportunité historique (nombre massif de jeunes enseignants arrivant dans les années à venir).
Cependant, ces équipements ne règlent rien à eux seuls. Ils ont même trop souvent dérivé vers des politiques stériles : stratégies du tape à l’œil (« un ordinateur pour un euro »), de la course à l’innovation pour l’innovation, démobilisation des enseignants, mise à l’écart des syndicats et associations professionnelles pour la réflexion sur les usages.
Résultat : des ordinateurs dans les écoles, mais peu de pratiques réellement innovantes (en tout cas à grande échelle), et les incohérences du système qui continuent à produire leurs effets ravageurs.
Au-delà de la figure imposée, la véritable place des technologies éducatives tend même à régresser. On l’a bien vu dans le grand débat sur l’école ou au travers de la loi d’orientation de Fillon qui ignore les technologies éducatives en tant que moyens d’enseignement ou d’apprentissage pour n’en retenir que les compétences techniques à acquérir.
On observe, d’ailleurs, une évolution du même ordre aux USA où l’accent est désormais mis sur les TIC comme outil de management et d’évaluation et non plus comme moyen d’explorer de nouveaux horizons pédagogiques). Même les logiques de déploiement de systèmes d’information dans les établissements (et notamment les « espaces numériques de travail », ENT), pourtant nécessaires, semblent courir le risque de se recentrer sur la mise en place d’outils de gestion des établissements (occupation des locaux, suivis de dossiers), au détriment des outils pédagogiques.
Quant aux budgets d’acquisition de ressources et de logiciels d’éducation, leur cumul stagne à 15 millions d’euros environ alors que le Royaume Uni dépense chaque année 160 millions d’euros pour les ressources numériques et que des mesures incitatives (progression de carrière) y poussent les enseignants à réellement utiliser ces budgets et à et ces ressources. La piètre qualité de nombre de ces usages ne doit pas dissimuler l’énergie de cette approche.
5. Les logiciels et contenus éducatifs : au cœur de la diversité culturelle
Hors de nos frontières, les Britanniques engagent une compétition européenne sur l’innovation, la recherche, la technique et l’éducation. A l’échelle du monde, la bataille des contenus et des logiciels éducatifs s’engage sans la France. Quant aux pays émergents, ils considèrent leurs investissements éducatifs comme stratégiques et commencent à nous concurrencer sur les métiers à plus forte valeur ajoutée intellectuelle.
Dans cet effort mondial pour l’éducation, qui ne doit pas dissimuler une réelle compétition pour l’influence, la France est menacée de marginalisation. Il existe un modèle « continental » des technologies éducatives (plus de qualité, moins de « testing », une attention particulière aux contenus), mais cette vision est progressivement marginalisée.
La capacité d’un pays à se doter de ses outils d’apprentissage, porteurs de ses valeurs et de son histoire, est stratégique. Derrière les métiers de l’ingénierie éducative, en effet, on trouve des emplois et des richesses (8,5 milliards de dollars dépensés chaque année en ressources pédagogiques pour le seul marché du livre ).
On trouve la formation des futurs ouvriers, ingénieurs, chercheurs artistes et commerçants d’un pays.
Mais on trouve surtout des valeurs, des visions du monde, de l’histoire et de l’organisation des rapports sociaux, qui, demain, seront, en fonction de nos choix, exportées ou importées par notre pays.
L’intégration, dans notre système éducatif, de nouvelles logiques et des nouveaux outils qui en sont indissociables n’est donc pas seulement un impératif de justice sociale et de qualité de notre système éducatif : elle conditionne également la place de notre pays et de ses valeurs dans le concert international.
6. Nos propositions
Renouer le dialogue avec les enseignants, autour d’une ambition commune. Les personnels de l’Education nationale ne sont pas responsables d’une évolution dont ils sont les premières victimes. La refondation du système est porteuse, pour eux, de nouvelles chances : autonomie, maîtrise d’outils adaptés à leur métier. C’est sur cette base que le PS doit engager le travail.
Travailler dans la durée. Le processus durera au moins 10 ans. Il nécessitera une stabilité que l’Education nationale n’a pas connue depuis longtemps.
Penser international. Cette refondation doit se faire en harmonie avec les stratégies de nos partenaires européens, et avec l’ambition de restaurer notre rang dans une compétition internationale. Cette ambition permanente doit trouver également des traductions concrètes : engagement de la France dans les travaux de normalisation, de standardisation, d’évaluation…
Susciter l’innovation, l’expérimentation et l’évaluation. L’objectif étant de faire cohabiter plusieurs stratégies, à l’initiative de l’enseignant, au service d’objectifs partagés, il est urgent d’encourager et de récompenser l’initiative pédagogique, de favoriser les politiques d’innovation pédagogique décentralisées avec des bassins d’expérimentation, de soutenir la recherche sur les pratiques et les usages, d’encourager toutes les expériences favorisant la diversité des parcours et de diffuser une culture de l’évaluation de ces efforts.
Intégrer la maîtrise de l’utilisation des outils numériques dans les concours de recrutement. Lier étroitement cette maîtrise aux compétences disciplinaires et pédagogiques.
Engager un vaste plan de formation continue alliant compréhension des outils numériques, réflexion sur les pédagogies innovantes et formation continue à la ou aux discipline(s) enseignée(s) composée de plusieurs mois par enseignant. L’effort individuel fourni devra être valorisé et formalisé par la création par la création d’un diplôme, voire, à terme, d’un corps de fonctionnaires mieux rémunérés.
Encourager l’usage des technologies numériques, quand leur réussite est sanctionnée par la qualité vérifiée des apprentissages des élèves par des progressions de carrière accélérées
Recruter au moins 50 000 aides-éducateurs pour encadrer le travail des élèves. Comme on l’a vu entre 1998 et 2002 avec les emplois jeunes, ce sont de précieux acteurs du changement.
Capitaliser les compétences, mutualiser l’expérience et les leçons produites par les grandes opérations récentes ou en cours, diffuser une culture de l’innovation, mener une politique plus active d’identification, de valorisation, et de transfert des usages pédagogiques pertinents de ces outils, associer massivement les enseignants, élèves, parents et producteurs de ressources à ces évaluations trop souvent confisquées par un petit corps « d’experts ».
Créer les conditions d’un véritable partenariat entre tous les acteurs. Trop souvent, les initiatives de l’Etat et des collectivités territoriales sont, au mieux désynchronisées, au pire antagoniques comme on a pu souvent le voir là où les initiatives les plus audacieuses étaient déployées (Landes, Bouches-du-Rhône, Ille et Vilaine…). La réussite d’une politique où les technologies éducatives joueraient le rôle de levier suppose une organisation cohérente des compétences partagées qu’il faut mobiliser.
Financer, largement, avec les collectivités locales, et dans le respect du libre choix des enseignants, l’acquisition de ressources pédagogiques numériques (contenus, logiciels, outils de travail coopératifs), leur déploiement, leur entretien et la formation des enseignants à leur utilisation. Il faut disposer au minimum d’un marché national de 200 millions d’euros contre 15 aujourd’hui (dérisoires par rapport aux budgets consacrés aux équipements).
Créer une dynamique de création, associant tous les producteurs de logiciels et de contenus éducatifs. Il faudra organiser des assises nationales de l’édition éducative, rassemblant des acteurs privés, des développeurs de logiciels et de ressources gratuites, les laboratoires de recherche, les utilisateurs et les institutionnels. Il faut faire sortir la France de toutes ses « guerres de religion » (privé / public, édition / éducation, libre / propriétaire) pour forger une ambition commune.
Inscrire une exception éducation-recherche dans notre droit d’auteur. Pour illustrer leurs cours, les enseignants sont conduits à représenter et reproduire des œuvres protégées par le droit d’auteur. Les programmes intègrent la réalisation de travaux par les élèves en dehors de la classe (travaux personnels encadrés, travaux croisés, projets pluridisciplinaires à caractère professionnel). La mise en ligne des cours et des travaux d’élèves ou d’étudiants se généralise. Or, exceptée la courte citation, toute utilisation d’une œuvre de l’esprit nécessite l’autorisation préalable des ayants droit. Sans pénaliser le cas particulier de l’édition à destination purement scolaire, la France doit intégrer dans son droit une exception au droit d’auteur à des fins d’enseignement et de recherche, comme c’est déjà le cas dans la plupart des pays européens.
Délibérément, cette contribution n’aborde pas tous les problèmes essentiels (la question des programmes, des savoirs et des disciplines, l’autonomie des établissements, la décentralisation, et plus généralement celle du « pilotage de la transformation »).
Mais notre conviction est que la transformation que nous proposons est la seule qui permettra au système éducatif de gagner suffisamment d’oxygène pour résoudre ensuite ses autres problèmes.
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Godefroy Beauvallet (75), Nicolas Chung (75), Marc Couraud (75), Pierre-Louis Ghavam (40), Eric Hazan (75), Emmanuelle Hoss (75), Daniel Kaplan (75), Hugues Moussy (60), Maurice Ronai (75), Henri Verdier (75), Felix Weygand (13).