« Il faut avoir le cœur bien accroché pour rester au PS. »
Michel, militant socialiste à Lille
« On n’avait pas besoin de discuter, de débattre parce qu’on avait tous les mêmes idées… Je vois bien dans les réunions maintenant, ils passent leur temps à faire des grands débats intellectuels, y en a qui sont jamais d’accord… »
Une militante ouvriére du PS dans le Pas de Calais
« Y a pas beaucoup de fraternité dans le parti, c’est un milieu très dur. Les amitiés sont jamais durables. Y en a qui vendraient leur mère ».
Un militant de Villeneuve-d’Ascq
Dans « La société des socialistes : le PS aujourd’hui », Rémi Lefebvre et Frédéric Sawiki dressent, à coups de statistiques, de rappels historiques et d’une enquête de terrain, décrivent un parti recroquevillé sur lui même et de plus en plus homogène socialement.
S’il a, sur les vingt-cinq dernières années, gouverné le pays pendant quinze ans, il est, parmi les partis sociaux-démocrates européens, l’un des plus faibles en termes de scores électoraux (27,8 % en moyenne au premier tour des législatives entre 1981 et 2005).
Le socialisme français n’a jamais été complètement « populaire ». Il reste que le PS d’aujourd’hui se caractérise par une fermeture inédite aux groupes sociaux situés en bas voire au milieu de l’échelle sociale. Ses élites (élus, membres du Conseil national et des cabinets ministériels), sont de plus en plus recrutées au sein des classes supérieures et, en large majorité, dans la fonction publique. Ce constat vaut aussi pour les militants qui s’embourgeoisent, avec un très faible recrutement au sein des classes populaires (5 %), des salariés précaires (4 %) et des chômeurs (3 %). 59 % des adhérents appartiennent au secteur public.
Si les militants d’origine populaire se font rares, c’est un effet, selon les deux chercheurs, de la généralisation, au sein du PS, d’une « culture du débat » qui valorise la réflexion collective et la libre expression des militants. Les pratiques les plus ordinaires du militantisme (tractage) sont ainsi dévalorisées au profit d’une « intellectualisation » du militantisme.
Si le flux de nouveaux adhérents (il semble d’ailleurs que de nombreux rsponsables scialistes aient renoncé à les conserver dans leurs rangs, quand ils ne les dissuadent pas de confirmer leur adhésion) contribue a rajeunir un parti dont l’âge moyen de l’adhérent tournait, en 2000 , autour de 55 ans (et dont seuls 14 % avaient moins de 40 ans), il n’inverse pas les tendances sociologiques : les nouveaux adhérents sont très majoritairement issus des classes moyennes et moyennes supérieures, très diplômées, citadines.
Le PS a aussi beaucoup de difficultés à faire de la place aux candidats issus de l’immigration.
R. Lefebvre et F. Sawicki décrivent aussi un « univers hobbesien » où l’on « ne s’aime pas, ou peu » et où « rapporter les prises de positions des militants aux positions dans l’espace partisan relève d’un quasi-réflexe ».
Certes, rappellent Rémi Lefebvre et Frédéric Sawiki, le cynisme en politique ne date pas d’aujourd’hui, mais la nouveauté est que la concurrence touche toute la communauté militante, du sommet jusqu’à la base, et que la « lutte pour les places », contrairement à d’autres milieux militants, y est peu déniée.
Les deux chercheurs dressent un tableau clinique d’une certaine forme de « malheur militant » : « on ne s’y retrouve pas », « il n’est pas facile de militer ».