Démarche qui consiste à déterminer, par avance, lors de la décision d’engagement des forces dans les critères de désengagement.
L’exit strategy fait écho aux discussions post-guerre du Vietnam sur la « war termination » : comment éviter l’enlisement ou l’escalade.
La multiplication des conflits armés et des crises humanitaires réactive le débat sur les critères d’engagement.
Il existait, depuis Weinberger, une check-list des critéres d’engagement, mais celle ci s’avère insuffisamment précise. En 1994, l’administration Clinton élabore une Directive Présidentielle sur la participation aux opérations de paix de l’ONU. L’expérience somalienne, toute proche, influence sa rédaction. La PPD 25 énonce une hiérarchie de critères servant à définir les cas d’engagement dans ce type d’opérations. Deux d’entre eux ( « la durée de l’opération doit être prévue en fonction d’objectifs clairs et d’un critère réaliste fixant la fin de l’opération » ), repris dans la National Security Strategy of Engagement and Enlargement , vont fusionner. La notion d’exit strategy , ramassée et parlante, va s’imposer dans le débat sur l’expédition en Haïti.
En 1995, dans la discussion au Congrès sur l’envoi de troupes en Bosnie, les partisans et les adversaires de l’intervention argumentent et s’opposent à travers le « langage commun » de l’exit strategy.
- Certains discutent la cohérence des objectifs ;
- d’autres, approuvent les objectifs, mais mettent en doute le réalisme du calendrier (Douze mois ne permettront pas d’atteindre les objectifs.). Richard Perle observe qu’une « (date de sortie( » ne constitue pas une « (stratégie de sortie) ».
- D’autres, enfin, soulignent l’inversion maligne intervenue entre deadline et objectifs. » C’est la stratégie de sortie qui est la mission. La mission est de se montrer et de partir, elle n’est pas de rester jusqu’à ce que les objectifs soient atteints » .En mars 1995, Anthony Lake entreprend de jeter les bases d’une doctrine de la stratégie de sortie. Il commence par en circonscrire le champ d’application . Dans les conflits majeurs, la fixation a priori d’un délai n’a pas de sens : ces conflits sont « open-ended « .
- La stratégie de sortie s’applique aux autres conflits (souvent internes) dans lesquels les États Unis sont et seront de plus en plus souvent amenés à s’engager, même si leurs intérêts majeurs ne sont pas en cause.
Dans ce type de conflits, le pouvoir politique doit fixer des « missions claires » et des « objectifs militaires atteignables « . Une fois fixés les missions et les objectifs, il appartient à l’état major de déterminer le temps nécessaire pour les atteindre.
Cette distinction, très orthodoxe, entre le politique et le militaire, a été perçue, lors du débat sur la Bosnie, comme une fiction, soigneusement entretenue. La détermination du délai de douze mois par l’état major était surdéterminée par le calendrier électoral. L’état major a fait sienne cette deadline.
Lake distingue le temps (long) de la reconstruction d’une nation, et la « fenêtre d’opportunité » que la communauté internationale ouvre temporairement, laissant un temps (court) aux parties se ressaisir et amorcer le processus de reconstruction.
L’intervention est nécessairement limitée dans le temps. Pour trois raisons.
- Assurer une protection pour une période indéfinie donnerait à ceux que nous tentons d’aider le sentiment qu’ils peuvent échapper à leurs propres responsabilités. Cela nourrit l’illusion que le travail le plus difficile ( de reconstruction de la nation) peut être fait pour eux, à leur place « .
- En second lieu, « assumer trop de responsabilités aurait pour effet de délégitimer le gouvernement que nous tentons d’appuyer. »
- Enfin, » en prolongeant une présence, au départ bien accueillie, nous finirions par nourrir le ressentiment et nous fournirions alors une cible facile si les choses tournent mal ».
La doctrine de la stratégie de sortie assure une synthèse instable entre une deux démarches.
- une redéfinition (autiste) de la notion de succès : celui ci ne réside pas dans la résolution des problèmes (cela prendrait trop de temps) mais dans le respect de la deadline.
- un chantage au départ : l’exit strategy place les belligérants devant le risque d’un retour au chaos pour les amener à négocier.
Publié dans Nouvelle pratique des alliances Cahier d’etudes stratégiques n° 20 – 2ème trimestre 1997
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