Peer competitor (compétiteur pair)

La disparition des russes a créé un grand trou dans les motivations, les méthodes et les concepts de défense aux États Unis. Avec la disparition du rival stratégique resurgit au premier plan la thématique du leadership américain : une primauté ( primacy) qui vise et ne vise qu’a se pérenniser .

« Il ne suffit pas d’être le primus inter pares. Il faut être le primus solus… ; L’ordre mondial et la sécurité nationale imposent aux États Unis de maintenir la primauté qui émerge de la Guerre Froide. L’effondrement de la bipolarité ne doit pas déboucher sur la multipolarité. L’unipolarité est préférable. » ( 1 )

Cet objectif autiste – la préservation de la suprématie- avait été formulé en mars 1992 dans une version de travail du Defense Planning Guidance. « Notre premier objectif est de prévenir la réémergence d’un nouveau rival, sur le territoire de l’ex Union Soviétique ou ailleurs, qui constituerait une menace comparable a celle de l’Union Soviétique dans le passé… Notre stratégie doit se recentrer pour éviter l’émergence d’un compétiteur global potentiel futur… ». Une fuite de ce document dans la presse suscita une intense controverse. L’administration Bush fut contrainte de prendre ses distances.

La notion de « rival équivalent », remaniée, a effectué un retour à travers la Revolution dans les Affaires militaires. La RMA definit la dominance informationnelle ( par la technologie) comme le lieu de la supériorité militaire. L’adversaire n’est plus défini en termes d’intérêts (politiques) mais en termes de capacité (technologique) a contester la suprématie militaire des États unis. Parmi les nations capables aujourd’hui ou demain de concurrencer les États Unis sur le plan technologique, on trouve les anciens adversaires ( Chine, Russie), mais surtout les alliés : Europe, Japon.

Cette substitution de la notion de compétiteur (empruntée a l’univers de la concurrence) à celle (politique) d’adversaire produit des effets desagrégateurs sur les alliances. L’alliance devient une institution de « contrôle » des alliés : elle vise a les dissuader de se doter eux mêmes de certaines capacités dont le leader souhaite conserver le monopole. Elle systématise aussi un partage des taches, une hiérarchie, entre leader et alliés : en contrepartie du renoncement des alliés a acquérir certaines capacités technologiques, le leader assure leur protection.

Cette notion de compétiteur pair se décline aux différents niveaux de la compétence technologique. Il y a trois types « compétiteurs, qui maîtrisent respectivement

  • l’ensemble du spectre des technologies (les pairs)
  • certaines « régions » du spectre des technologies (compétiteurs régionaux)
  • ou une technologie spécifique ( compétiteur de niche).Cette échelle de la compétition technologique devient compatible avec la grille classique de la conflictualité qui distingue parmi les menaces et les conflits ceux qui mettent en jeux des acteurs, « globaux », « régionaux », locaux ou infra-étatiques.

S’il convient d’éviter l’émergence d’un « compétiteur global (capable de rivaliser sur tout le spectre des technologies et a l’échelle mondiale), il convient d’anticiper l’émergence de compétiteurs régionaux (ou de théâtre) et celle de « compétiteurs de niche » : des perturbateurs (étatiques ou infra-étatiques) qui auraient acquis une compétence technologique « ciblée » (nucléaire ou arme biologique ou « guerre de l’information »).


Publié dans Nouvelle pratique des alliances Cahier d’etudes stratégiques n° 20 – 2ème trimestre 1997

Notes :

[1] Barry Posner et Andrew Ross, Competing visions for US Grand Strategy, International Security, Vol 21,3, Hiver 196-97.

Une réflexion au sujet de « Peer competitor (compétiteur pair) »

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