Extrait du Rapport Rocard « République 2.0 : Vers une société de la connaissance ouverte »
Les administrations collectent et détiennent des données sur tous les aspects de la vie sociale, économique, culturelle et des territoires. Ces données constituent un bien public. Ce sont des ressources pour l’ensemble des secteurs économiques. Elles permettent de développer des activités et même des marchés, comme celui, par exemple, des données géolocalisées.
Le débat sur la valorisation de ce patrimoine est récurrent. Faut-il privilégier une rentabilisation monétaire, par la vente de ces informations (comme nous y invite le rapport récent sur l’économie de l’immatériel) ou valoriser ces gisements de données en permettant à tous (particuliers, associations, entreprises) d’en tirer parti, et de les exploiter, commercialement ou non ?
Le gouvernement Jospin, en 1997, a tranché partiellement ce débat en prescrivant la mise en ligne gratuite des « données publiques essentielles », donnant un coup d’arrêt à la commercialisation des données publiques. Il clarifiait ainsi des situations confuses, comme la concession à un diffuseur privé des banques de données juridiques. Depuis 1997, les administrations ont pris l’habitude de diffuser des volumes considérables de textes, de données statistiques et de rapports, réalisant au passage de considérables économies sur les budgets de publication imprimée.
Cette doctrine laissait cependant de côté les grands établissements publics qui gèrent de coûteuses infrastructures, comme l’Institut Géographique National (IGN) ou Météo France. La transposition de la directive sur la réutilisation des informations du secteur public aggrave cette situation. Soumis à l’obligation de dégager des ressources propres, (parfois jusqu’à 50% de leur budget), ces établissements pratiquent des tarifs souvent élevés, vis à vis des utilisateurs comme des diffuseurs.
Cette logique conduit à des situations aberrantes. Ainsi, récemment, l’IGN (dont la compétence n’est pas ici en cause), soucieux de contrecarrer les services GoogleMaps et GoogleEarth de Google, a ouvert un portail (Géoportail) de cartographie numérique et d’images satellitaires de la France. Contraint de générer des ressources propres, il en a verrouillé les fonctionnalités et a déformé volontairement certaines images pour empêcher de copier les cartes, de les réutiliser ou de les rediffuser.
Ces pratiques tarifaires et malthusiennes brident le développement de nouveaux services par des tiers et l’émergence de nouveaux acteurs. Elles ouvrent un avantage concurrentiel aux projets étrangers (privés ou publics) tels que GoogleMaps. Elles brident aussi la recherche. Faute de disponibilité simple des données de l’INSEE et du Ministère de l’emploi, les chercheurs en économie français travaillent sur les données américaines (le Census Bureau diffuse tout sur Internet) et… en savent plus sur les mécanismes économiques américains que sur ce qui se passe en France !
L’expérience récente et l’observation de ce qui se passe à l’étranger plaident pour une approche “ouverte” des données publiques, qui laisse l’innovation s’exprimer à partir de ces données mises en accès libre.
Recommandation : Rendre les données publiques accessibles à tous :
- Élaborer des licences définissant clairement les droits des utilisateurs, notamment sur la réutilisation des données publiques. Y compris à des fins commerciales.
- Financer correctement le fonctionnement des Etablissements publics en charge d’infrastructures informationnelles (comme l’IGN ou Météo France)
- Permettre la libre réutilisation de la base de connaissances du portail Service-public.fr par tout service, public ou privé, pour diffuser une information cohérente et à jour.