Pendant qu’on se préoccupait d’encadrer juridiquement la durée de conservation des données de connexion par les opérateurs et les modalités d’accès des services de police à ces données, la DGSE collectait, selon le journal Le Monde, depuis des années systématiquement les signaux électromagnétiques émis par les ordinateurs ou les téléphones en France, tout comme les flux entre les Français et l’étranger : mails, SMS, relevés d’appels téléphoniques, accès à Facebook ou Twitter… Les stockait et les analysait dans un supercalculateur.
Il faudra bien un jour encadrer juridiquement ce système dont l’un des patrons d’une des agences de renseignement admet le caractère « a-légal ».
Si la loi encadre les interceptions de sécurité, autorisées par le premier ministre, sur avis de la Commission nationale consultative des interceptions de sécurité (CNCIS), elle ne prévoit rien pour le stockage massif de données techniques par les services de renseignement.
En un sens, ce Prism à la Française pourrait connaître un peu le même destin que certains fichiers de police, comme le STIC : constitués de manière clandestine, en dehors de tout cadre légal, ces fichiers avaient ensuite été régularisés, par décret et après avis de la CNIL.
Le Parti socialiste avait souhaité, suite à l’affaire du fichier Edvige, que la création de nouveaux fichiers de police, et plus largement la collecte de données sensibles, relève désormais de la loi et non plus d’un simple acte réglementaire. Il s’appuyait, notamment, sur les conclusions de deux parlementaires, Delphine Batho (PS) et Jacques Alain Bénisti (UMP). Dans leur rapport, ceux-ci observaient que « la création d’un fichier par la voie réglementaire n’offre pas les mêmes garanties, en termes de débat public, que l’autorisation de la loi. » Ils proposaient “que le législateur dispose d’une compétence exclusive en la matière, afin qu’un débat public puisse avoir lieu sur l’opportunité d’une telle création”. Ce principe avait été réaffirmé, pendant la campagne de 2012 par Me William Bourdon, membre de l’équipe de campagne de François Hollande.
Le gouvernement a annoncé dans sa feuille de route numérique la discussion d’un projet de loi sur la protection des droits et libertés numériques début 2014 au plus tard.
Si ce projet de loi voit le jour, il pourra difficilement contourner l’existence du Prism à la française et se régularisation. Un joli casse-tête en perspective.