
La tournée de promotion de Pierre Chaillot autour de son livre covido-sceptique Covid 19, ce que révèlent les chiffres officiels a pris un tour inattendu avec un débat en livestream organisé le 13 avril par l’eurodéputée écologiste Michele Rivasi dans une salle du Parlement européen. Dans ce livre qui caracole depuis plusieurs semaines en haut du classement des ventes en France, Pierre Chaillot s’attache à démontrer, en 471 pages, que le Covid n’a causé aucune surmortalité, que la France n’a connu aucune saturation hospitalière, qu’il n’y a pas eu de malades, et très peu de cas, que ce sont les confinements qui ont tué, relayés ensuite par les vaccins. Luc Peillon, dans Libération, a fait l’effort de vérifier et de réfuter « le grand théâtre covido-sceptique de Pierre Chaillot » et tout récemment Nicolas Berrod dans le Parisien.
Pour ce débat, l’eurodéputée écologiste avait convié à ses côtés la sénatrice LR Laurence Muller-Bronn, connue pour son hostilité au pass sanitaire comme à la vaccination de masse. Laurence Muller-Bronn avait accordé son parrainage pour la candidature présidentielle d’Éric Zemmour.

C’est dans les termes suivants que l‘eurodéputée écologiste avait annoncé ce débat sur son compte Twitter : « Le statisticien Pierre Chaillot a patiemment collecté, semaine après semaine, les données publiques et officielles d’Eurostat, de l’Insee et de la Drees notamment.
Trois ans après la pandémie, il dresse un premier bilan critique. Une enquête inédite aux conclusions surprenantes : mortalité, occupation des lits, positivité des tests, effets indésirables des vaccins et indicateurs clés ».
Michele Rivasi est vice-présidente de la Commission spéciale du Parlement européen « sur la pandémie de COVID-19 : Leçons tirées et recommandations pour l’avenir »[1]. Elle ne peut ignorer que les covido-sceptiques et les antivaccins cherchent, avec tenacité, à obtenir une forme de reconnaissance institutionnelle. Avec le concours de d’eurodéputés d’extrême-droite, ils se démènent pour organiser leurs conférences dans l’enceinte du Parlement européen, comme le Pr Perronne en 2022 ou l’International Covid Summit le 3 mai 2023. Ils bataillent, dans tous les pays, pour être auditionnés par les commission parlementaires. Ils avaient obtenu gain de cause au Luxembourg, avec une audition controversée de Christian Perronne, Luc Montagnier et Alexandra Caude-Henrion. En France, ils avaient remué ciel et terre pour être auditionnés par Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) qui menait une étude sur les effets secondaires des vaccins. Auditionnés à huis-clos, l’association Verity France, la statisticienne Christine Cotton, les enseignants-chercheurs Emmanuelle Darles et Vincent Pavan et Amine Umlil, pharmacien hospitalier n’avaient toutefois pas obtenu que le compte-rendu de leurs auditions privées soit rendu public.
Michele Rivasi avait d’ailleurs pris le contrepied de l’OPECTS en organisant sur YouTube « un débriefing » avec Christine Cotton pour lui « permettre d’entendre librement ce que cette spécialiste, ayant réalisé un remarquable travail d’expertise, a pu dire aux quatre rapporteurs de la mission de l’OPECST ». Ce « remarquable travail d’expertise » (popularisé par France Soir) se révèle n’être qu’une contestation frontale et spécieuse du protocole des essais cliniques de phase 3 et une exploitation erronée et hasardeuse des remontées de pharmacovigilance relatives aux effets indésirables.
Revenons à l’audition de Pierre Chaillot le 13 avril. Dans une distribution des rôles, savamment orchestrée, Michele Rivasi, reste en retrait. Prudemment : elle a déjà été désavouée par ses camarades écologistes, notamment quand elle avait comparé l’extension du pass sanitaire a un « apartheid »)
C’est à la sénatrice Laurence Muller-Bronn que revient la posture crypto-complotiste du questionnement de la « doxa » : « J’ai commencé à m’intéresser au sujet et à me poser vraiment des questions … J’ai vu qu’on censurait des faits réels, qu’on décrédibilisait des gens qui se posaient des questions, des chercheurs, des médecins et mêmes nos généralistes … Et puis l’obligation vaccinale de masse est arrivée, la censure, l’absence de soins, puis l’incitation financière qu’on a proposée pour que tout aille dans ce sens, puis le passe sanitaire : tout ça m’a orienté vers des réflexions et des recherches. Au fur à mesure, je me suis rendu compte qu’on allait vers un système qui s’était mis en route. Beaucoup de gens étaient mis de côté parce que justement ils avaient des doutes sur le choix sur une doxa qui a été prononcée. J’ai lu l’ouvrage de Pierre Chaillot qui confirme beaucoup de questionnements que nous avons pu avoir pendant ces 3 dernières années … Avec l’instauration du pass sanitaire, on est arrivé à la vaccination de masse tous âges confondus. Fragile ou pas fragile tout le monde y est passé et là, je me suis dit : c’est insensé, on sait que la vaccination, normalement, elle est choisie. On n’a pas pris du tout l’individu lui-même avec ses particularités et ses composantes. On a créé des vaccinodromes où les gens se faisaient piquer à la chaîne, où ils ne savaient même pas qui les a injectés et ça m’a semblé un peu surnaturel, de la science-fiction. On a robotisé les gens. Les gens sont allés se faire injecter. Que vous donnent les chiffres sur cette vaccination de masse ? »
Ainsi encouragé, Pierre Chaillot peut dérouler, graphiques à l’appui, son argumentation fallacieuse sur l’absence d’efficacité des vaccins, y compris sur les cas graves. Dans ce dialogue à trois, Michele Rivasi se place en position médiane. Si elle prend ses distances avec les assertions les plus aberrantes de Pierre Chaillot (« J’ai lu votre livre : je trouve que vous y allez très fort. Parce que pour vous, il n’y a pas de pandémie. Pour vous, il n’y a pas de transmission. Pour vous, les hôpitaux n’ont pas été saturés etc… », elle le suit sur d’autres, notamment sur la critique des protocoles des essais cliniques des vaccins.
D’où cette interrogation : quel intérêt l’eurodéputée Michele Rivasi peut-elle trouver à dialoguer avec Pierre Chaillot ? Si elle avait l’intention de combattre les thèses de Pierre Caillot, c’est raté. Pierre Chaillot a une formation de statisticien. Il mouline, rumine, discute, réinterprète, retourne, dans tous les sens, les chiffres du Covid depuis le printemps 2020. Il a rodé et peaufiné son argumentation depuis des mois. Michele Rivasi a beau être agrégée de biologie, le combat est inégal : elle peine à endiguer le jet continu d’affirmations de Pierre Chaillot qui jongle avec les indicateurs, les biais, les erreurs de calcul et autres « supercheries statistiques ».
Michele Rivasi souhaitait peut-être parfaire sa compréhension de la pandémie et des politiques sanitaires mises en œuvre pour la combattre ? Mais quel crédit accorder à un auteur qui, à travers sa critique des modèles, conteste jusqu’au principe même d’une propagation épidémique, ramenée à une simple « hypothèse virale, qui n’existe, au final que dans les modèles … L’hypothèse virale fait partie de ces théories non-réfutables. On décide péremptoirement que les malades et les morts sont causées par un mystérieux virus et toute déviation des faits par rapport à l’hypothèse sera expliquée par un caprice du virus… En l’état, ce ne sont que des hypothèses. Les modèles épidémiologiques habituels, explosifs donc absurdes, servent d’arguments pour justifier l’hypothèse virale initiale ».
La commission spéciale sur la pandémie du Parlement européen a engagé un bras de fer avec la Commission européenne pour obtenir plus transparence sur les contrats entre Pfizer et la Commission européenne. A la suite d’un rapport de la Cour des comptes européenne et d’une enquête du New York Times, elle souhaite interroger publiquement la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, sur son rôle dans la négociation du troisième contrat signé avec Pfizer pendant la pandémie, en mai 2021, un giga-contrat à 35 milliards d’euros.
Michele Rivasi est en pointe dans ce combat, un combat auquel on peut que souscrire. C’est une chose de réclamer plus de transparence sur ces contrats. C’en est une autre de semer le doute sur l’efficacité de ces vaccins et de donner une tribune à Pierre Chaillot qui estime que le vaccin tue, et pas qu’un peu. « En Europe, plus de 300 000 effets post-vaccinaux ont été rapportés depuis le début de la campagne vaccinale jusqu’au 17 juin 2022, dont 28 000 cas de décès. » (Covid 19, ce que révèlent les chiffres officiels).
Pour faire connaitre ce combat contre «l’opacité des contrats vaccinaux européens», Michele Rivasi ne boude pas les invitations de Radio Courtoisie (Y a-t-il des conflits d’intérêt entre l’Union européenne et les laboratoires pharmaceutiques ?), de France Soir, de Kairos Presse, d’André Bercoff sur Sud-Radio (avec quatre interventions en 2022 et déjà trois pour la seule année 2023). Ni celles du Conseil scientifique indépendant (CSI), qui l’a reçue par deux fois. A l’issue d’une réunion du CSI, elle avait « chaudement remercié ses interlocuteurs, heureuse d’entendre «un discours différent» de celui qu’elle entend au Parlement européen ».
Des invitations qui l’embarrassent, probablement, car l’eurodéputée n’en fait pas état, pour la plupart d’entre elles, sur son blog. La transparence, ici aussi, rencontre des limites.
[1] Cette commission remettra prochainement son rapport. Une version provisoire du rapport est d’ores et déjà disponible.