Ils ont tout essayé : deux recours auprès de la Cour suprême, contestation des résultats au Sénat et à la Chambre et demande d’un audit des résultats, puis l’ultime manœuvre consistant a demandé au vice-président Pence d’entraver la certification des résultats…
Cette quête de la faille, du loophole, dans la Constitution, qui permettrait d’inverser, en toute légalité, les résultats de l’élection rappelle l’épisode fameux de l’examen de naturalisation du logicien et mathématicien, Kurt Gödel, rapporté par Oskar Morgenstern, le père de la théorie des jeux.
Kurt Gödel quitta l’Autriche pour fuir le nazisme et émigra aux États-Unis en 1940. Très vite, grâce à ses amis Oskar Morgenstern et Albert Einstein, il obtint un poste de professeur invité à l’université de Princeton. En 1946, Einstein et Morgenstern l’encouragèrent à demander la citoyenneté américaine.
Même s’il ne s’agissait pour lui que d’une formalité, Gödel s’y prépara avec une extrême minutie : il passa plusieurs mois à s’informer sur l’histoire des États-Unis, en se focalisant sur le droit constitutionnel. Morgenstern (qui était lui-même un immigré et qui avait passé le même examen en 1944) avait beau lui expliquer que les questions posées lors de cette audition étaient basiques, Gödel persista, se plongeant de plus en plus profondément dans son étude de la Constitution américaine.
Quelques mois avant son examen de citoyenneté en 1947, Gödel s’entretenait avec Morgenstern et Einstein, et leur rapporta qu’en étudiant la Constitution, il pensait y avoir découvert une incohérence, une faille, qui permettrait de transformer en toute légalité le régime en dictature.
Ses deux amis, craignant que Gödel n’aborde le sujet avec le juge chargé de l’examen de citoyenneté, cherchèrent à l’en dissuader et pensèrent y être parvenus.
Toutefois, au cours de l’entretien la question vint sur le tapis. Au juge qui l’interrogeait sur le régime politique en Autriche, Gödel répondit que ce régime, auparavant une démocratie, s’était transformé en dictature. Le juge rétorqua qu’une telle chose ne pouvait arriver en Amérique mais Gödel soutint le contraire, et dit qu’il pouvait le prouver. Le juge, qui connaissait Einstein, changea vite de sujet, arrêta là l’entretien et accorda la naturalisation. Au grand soulagement d’Eistein et Morgenstern.
On ne sait rien de la démonstration de Gödel sur la capacité de la Constitution américaine à enfanter un système dictatorial. Elle reste une énigme, un sujet de recherche et de spéculation.
Donald Trump et ses avocats n’ont pas ménagé leurs efforts pour trouver une faille dans la Constitution, gödelienne ou pas, pour s’y engouffrer.
Fort heureusement, Donald Trump n’est pas Kurt Gödel.