Assaut sur le Capitole: trouble dans la trumposphère autour de la mort d’Ashli Babbitt

Ashli Babbitt est cette fervente partisane de Trump qui a trouvé la mort lors de l’assaut du Capitole.

Les images d’Ashli Babbitt, mise en joue par un policier du Capitole, à travers une vitre brisée, alors qu’elle escalade un amas de chaises pour forcer le passage, puis s’effondrant, ont fait le tour du monde.

Deux récits s’opposent au sein de la trumposphère quant au sens qu’il faut donner à cet épisode : exécution ou opération sous faux drapeau.

35 ans, ancienne militaire (elle avait servi 14 ans dans l’armée de l’air, déployée en Irak, en Afghanistan, Koweït et au Qatar) a été immédiatement érigée en martyre de la cause trumpienne. « Désarmée, elle a été exécutée froidement ».

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Donald Trump n’est pas Kurt Gödel

Depuis le 6 novembre, Rudy Giuliani et avocats de Trump cherchent une faille dans la Constitution pour permettre à Donald Trump de se maintenir au pouvoir. 

Ils ont tout essayé : deux recours auprès de la Cour suprême, contestation des résultats au Sénat et à la Chambre et demande d’un audit des résultats, puis l’ultime manœuvre consistant a demandé au vice-président Pence d’entraver la certification des résultats… 

 Cette quête de la faille, du loophole, dans la Constitution, qui permettrait d’inverser, en toute légalité, les résultats de l’élection rappelle l’épisode fameux de l’examen de naturalisation du logicien et mathématicien, Kurt Gödel, rapporté par Oskar Morgenstern, le père de la théorie des jeux. 

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Comment les trumpistes encaisseront-ils le choc du réel ?

Il y a une vraie incertitude sur la capacité des trumpistes à encaisser le choc du réel (l’élection de Biden) après avoir :

  • cru à l’annulation prochaine des votes de plusieurs états par le Congrès, ouvrant la voie a un vote état par état
  • adhéré (sur la base de vidéos) à des manipulations dans le décompte des voix cru au succès des plaintes devant les tribunaux
  • admis, devant leur échec, que non, finalement, ce n’est pas dans les tribunaux locaux que ça se déciderait, mais devant les juridictions d’appel, puis a la Cour suprême
  • avalé cette histoire du vol de plusieurs millions de voix par Dominion (« Une entreprise étrangère, qui a des liens très étroits avec le Venezuela, et donc la Chine, et utilise un logiciel d’une entreprise vénézuélienne ayant servi à voler des élections dans d’autres pays. » selon Giuliani)
  • pris pour vérité d’évangile les propos incohérents de Giuliani reporté leurs espoirs sur Sidney Powell qui détenait les preuves de cette fraude et en avait fait la démonstration dans son mémoire de 104 pages de cette fraude
  • admis que non, finalement, Sidney Powell gardait secrètes les preuves qu’elle détenait, pour permettre à Trump de les rendre publiques quand il le jugerait utile
  • mis tous leur espoirs dans le recours devant la Cour Suprême
  • et quand celui-ci a tourné court, a cru à cette histoire « grands électeurs alternatifs » qui allait tout bouleverser
  • puis, cru à cette rumeur selon laquelle l’armée américaine avait saisi en Allemagne des serveurs dans lesquels on allait trouver les preuves de la fraude

Et ils croiront, jusqu’à la dernière minute, au plan génial de Trump, à sa capacité à retourner la situation.

Ils croient et continuent de croire que Trump ne veut pas se contenter d’un demi-victoire (par des moyens juridiques), qu’il prépare un rebondissement majeur, en actionnant un ordre executif relatif aux ingérences des puissances étrangères, qui lui permettrait de mettre Biden et les démocrates sous les verrous, puisqu’il est notoire qu’ils sont financés par la Chine etc ….

L’heure de vérité se rapproche …. Mais la verité a-t-elle encore un sens quand on a cette capacité à intepréter les faits a l’envers. A s’auto-illusionner et à s’auto-intoxiquer ?

Bavardes, restrictives, contraires au principe de libre réutilisation des informations publiques : pourquoi tant de mentions légales ?

Billet initialement pubié ici

Les administrations, les agences et opérateurs publics, les collectivités, les universités, les organismes de recherche consacrent efforts et moyens pour produire des informations fiables, les mettre en forme et en ligne pour les rendre accessibles au (x) public(s).

Mais pourquoi multiplient-ils, pour l’immense majorité d’entre eux, dans les mentions légales qui figurent sur leurs sites, les mises en garde, les obstacles, les interdictions ou les restrictions, en subordonnant la réutilisation de ces informations à une autorisation ?

Presque autant de rédactions des mentions légales relatives à la réutilisation des textes et données qu’il existe de sites publics.

Le plus souvent restrictives, voire dissuasives : réutilisation subordonnée à une autorisation expresse et préalable, interdiction, menaces de poursuite pour contrefaçon.

Des mentions légales qui mettent en avant, presque systématiquement, l’article 122-5 du Code de la propriété intellectuelle, alors que cet article ne concerne que les seuls « discours destinés au public prononcés dans les assemblées politiques, administratives, judiciaires ou académiques (…) et les cérémonies officielles) »

Des mentions légales qui bafouent le principe de libre réutilisation des textes et données publiés sur les sites, posé par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, codifié dans le Titre II (la réutilisation des informations publiques) du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA). Et notamment dans ses articles 321-1 et 322-1.

Article L321-1« Les informations publiques figurant dans des documents communiqués ou publiés par les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus.Les limites et conditions de cette réutilisation sont régies par le présent titre ».

Article L. 322-1
« Sauf accord de l’administration, la réutilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées ».

On a du mal à comprendre pourquoi dans notre République une et indivisible, les règles de réutilisation des textes et données publiés sur les sites publics varient d’un Ministère à un autre, d’une collectivité à une autre, d’un opérateur public à un autre. l’autre. Voire même au sein d’un même ministère. 

Ni ce ce qui justifie une telle variété.

On a du mal à comprendre qu’aucun des responsables des sites, des directions juridiques et des secrétariats généraux concernés ne se soit avisé d’adapter les mentions légales au cadre juridique des informations publiques : dès 2005 (Ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 relative à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques), en 2009 (Ordonnance n° 2009-483 du 29 avril 2009 prise en application de l’article 35 de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives), et plus récemment en 2016 (loi pour une République numérique).

Il est permis de s’interroger sur le montant des honoraires versés a des centaines d’avocats pour que chacun d’entre eux rivalise de créativité dans l’interprétation de l’article 122 du CPI et dans l’invention de limitations et de clauses restrictives a la réutilisation de données publiques.

Contraires à la loi, ces mentions légales restrictives sont aussi contraires aux missions de ces acteurs publics.

Elles expriment une étrange défiance vis-à-vis des destinataires de ces informations publiques : les citoyens.

L’intérêt bien compris des acteurs publics, c’est que les textes, les communiqués, les articles, les infographies qu’ils ont fait l’effort de produire circulent et soient repris, relayés, réutilisés.

A condition bien sûr que ces informations publiques ne soient pas « altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées » (comme le prévoit l’article 322-1) et qu’elles ne comportant des données à caractère personnel (article 322-2).

Et si les acteurs publics peinent à actualiser leurs mentions légales et à les mettre en conformité avec la loi, le plus simple est encore pour eux de renvoyer à la Licence Ouverte, qui a été élaborée justement pour leur éviter de rédiger des mentions légales bavardes, hors sujet ou non conformes.

Après avoir refondu la charte graphique de l’État, le Service d’information du gouvernement (SIG) envisage de faire converger les identités graphiques et expériences de navigation des quelques milliers de sites publics. Il pourrait déjà commencer par élaborer des mentions-légales type, conformes au CRPA. Ou mieux encore, de prescrire l’adoption de la Licence Ouverte. 

Covid-19 : wikipédia fait figure d’îlot de rationalité dans un océan de rumeurs

Article initialement  publié sur ConspiracyWatch

Le respect des principes, règles et recommandations de l’encyclopédie collaborative en ligne a permis qu’elle ne se transforme pas en caisse de résonance des théories complotistes autour de la pandémie de coronavirus.

Montage CW.

Quand on cherche « coronavirus » ou « Covid-19 » dans un moteur de recherche, les articles de Wikipédia apparaissent, comme beaucoup d’autres requêtes, en tête des résultats. Cela tient au mode de fonctionnement des moteurs qui privilégient les sites très visités (Wikipédia fait partie des dix sites web les plus consultés dans le monde) et qui disposent de nombreux liens entrants et sortants. Lire la suite

« Des programmes de science participative pour mieux comprendre les modalités de transmission devraient être lancés ».

Cette recommandation du Conseil scientifique est, il est vrai,  passé inaperçue.

« Les modalités de transmission du virus restent encore mal connues, faute de données précises. Dans une démarche de science participative (…) chacun pourrait contribuer grâce au numérique à faire mieux comprendre les modalités de transmission, en fonction des lieux ou des temps d’exposition par exemple ».

Une recommandation oubliée dans TousAntiCovid.

On pourrait, utilement, en France s’inspirer de Covid Symptom Study et de sa version américaine COVID Symptom Tracker

COVID Symptom Study

Researchers are using COVID Symptom Study app data to map local hotspots

L’application pour smartphone COVID Symptom Study  a été lancée par le  King’s College London et Massachusetts General Hospital.  En trois semaines,  elle avait atteint 2 618 862 utilisateurs.

L’application enregistre la localisation, l’âge et les principaux facteurs de risque pour la santé. Les participants signalent quotidiennement  leurs symptômes, les consultations médicales effectuées, les résultats des tests, s’ils sont en en mode « isolement » ou leurs attentes en termes de prise en charge. Les personnes sans symptômes apparents sont également encouragées à utiliser l’application.

« Depuis son lancement,  des millions d’utilisateurs ont transmis plus de 170 millions de rapports de santé quotidiens permis de faire d’énormes progrès dans la compréhension des symptômes du COVID-19, qui est le plus susceptible d’être affecté, et comment il se propage à travers la population ».

Les données, préalablement anonymisées, sont mises à la disposition des chercheurs et du National Health Service (NHS, le service britannique de santé) « afin de  contribuer a la compréhension du Covid a et la planification de la réponse».

Elles permettent d’établir  des cartes de la prévalence du COVID-19 à l’échelle du comté et de cartographier le nombre probable de cas sur des zones couvrant en moyenne 1 500 personnes (1000 à 3 000 personnes).

Le traçage, angle mort du débat public sur la gestion de la crise sanitaire

Screenshot

Alors que les restrictions suscitent des controverses (trop dures, pas assez), alors qu’on discute le volet « tester » de la stratégie « tester, tracer, isoler » (trop de tests, pas assez ciblés, délais de transmission trop longs), le volet « traçage » de ce triptyque reste assez largement dans l’ombre.

Publié le 13 octobre, le rapport d’étape de la mission d’évaluation de la gestion de la crise du Covid-19

Publié le 13 octobre, il liste des « défauts manifestes d’anticipation, de préparation et de gestion » : disponibilité des masques, déploiement des tests, défaut de coordination entre les différents acteurs.

La mission d’évaluation porte un jugement sévère sur le déploiement des tests : « Début octobre 2020, alors qu’environ 1,2 million de tests sont réalisés par semaine, plusieurs questions se posent : la stratégie de priorisation, les délais de restitution des résultats et surtout leur utilisation opérationnelle en vue du contrôle de l’épidémie (traçage, isolement). L’approche trop fractionnée de la stratégie « tester, tracer, isoler » réduit fortement son efficacité en matière d’épidémiologie d’intervention sur le terrain, indispensable pour casser les chaînes de transmission ».

Le rapport d’étape ne formule aucune observation à propos du volet « traçage » de la stratégie « tester, tracer, isoler » :

  • ni sur son dimensionnement,
  • ni sur le choix de privilégier un dispositif « statique (les plateformes d’appel de la CNAM) plutôt qu’un dispositif « mobile » (les équipes Covisan)
  • ni sur le rendement décroissant de cette recherche de contacts (la baisse tendancielle du nombre de contacts par « patient zéro ») ou le nombre de cas qui échappent au radar (75 % des nouveaux cas qui n’ont aucun lien avec des cas connus).
  • ni sur le choix de privilégier la recherche « prospective » de cas-contacts (identifier des personnes qui ont été en contact direct avec le patient depuis le début de la maladie) au détriment de la recherche rétrospective (pour remonter à l’origine de la contamination du patient)

La Mission d’évaluation se contente de recommander, en conclusion, « de mettre en place rapidement une task force en charge de « repenser, en associant l’ensemble des parties prenantes, le volet tester/tracer/isoler de la stratégie de contrôle de l’épidémie en intégrant les innovations à venir et en précisant les moyens de sa mise en œuvre ».

Un nombre croissant de voix se font entendre pour abandonner le traçage prospectif et passer au traçage rétrospectif

Un nombre croissant de voix se font entendre pour abandonner le traçage prospectif (pratiqué en Europe) et passer au traçage rétrospectif (mis en œuvre au japon et en Corée).

Pour des raisons différentes mais complémentaires. Pour identifier les événements supercontaminants. Pour repérer les individus superpropagateurs (supreaders). Parce que le traçage prospectif ne peut pas faire face. il y a trop de cas. Nous y sommes.

Rappel : il y a deux stratégies de traçage.

  • Prospectif ou aval (forward tracing) : on recherche et on alerte les contacts de la personne testée positive.
  • Traçage rétrospectif ou amont (backward tracing ou reverse tracing) : on recherche comment, où et par qui, la personne a été contaminée.

C’est le cas du virologue japonais Hitoshi Oshitani : « la plupart des gens ne transmettent pas le virus à un contact à haut risque. L’important n’est pas tant de connaître les contacts d’une personne, mais surtout de découvrir l’endroit où elle a été infectée ».

  • C’est aussi le cas du Pr Flahaut, qui qualifie cette stratégie de «  japonaise ».
  • C’était, dès cet été, le cas du Professeur Drosten. « Les nombreux tests que les politiciens préparent actuellement se révéleront bientôt positifs et accableront les autorités sanitaires. Regarder en amont est plus important que regarder en aval ».  
  • Ou encore de Martin McKee, professeur de santé publique à la London School of Hygiene and Tropical Medicine. Ainsi que du Dr Andrew Morris, spécialiste des maladies infectieuses au Sinai Health à University Health Network à Toronto.
  • C’était aussi la conclusion de Zeynep Tufekci, dans un article majeur, très documenté, dans The Atlantic.

Un certain nombre d’études vont dans ce sens comme The effectiveness of backward contact tracing in networks ou Implication of backward contact tracing in the presence of overdispersed transmission in COVID-19 outbreak.

Au Royaume Uni, face au fiasco du programme « test and trace », des responsables gouvernementaux envisageraient, semble-t-il, d’introduire le «traçage inversé »